Love letters / Culte – Ian Soliane : 7 jours dans la vie d’une masochiste ?

Dans la rubrique « Érotisme à l’extrême », je demande Culte. Ce court roman navigue en eaux troublantes pour explorer les voies torturées menant au 7ᵉ ciel du masochisme en passant un temps par la case enfer, stade anal et bestialité. Car le texte de Ian Solian nous conte, avec une prose cinglante et froide comme un coup de cravache, un stage de soumission.

168 heures de brimades consenties

Amoureuse absolue abandonnée aux désirs de son amant dominateur, la narratrice, quadragénaire, mère de trois enfants, nous explique les sept jours qu’elle passe en camp de dressage où elle apprend les codes de l’esclavage volontaire. Tout commence lorsque les maîtres remettent, laisse en main, leurs dominés aux dresseurs/formateurs. Tout se termine lorsque les stagiaires, transformés, retournent à leurs propriétaires venus les chercher en grande cérémonie. Entre les deux, 168 heures de brimades, de souffrances, de manque, de sommeil, d’humiliations, de tortures, de violence sexuelle… Consenties, voulues, réclamées. Car à ce stage, certains dominés « indépendants » s’y sont même inscrits seuls, avec listes de désirs à l’appui.

Un jeu planifié

La volonté tenace, inflexible des soumis : c’est cela qui laisse confondu quand on parcourt le récit de Menti (Clémentine au civil), détaillant les sévices corporels subis avec un mélange de détachement et de délice, et ces désobéissances constantes aux ordres des maîtres pour aggraver les punitions, chaque jour étant planifié par le programme des savoir-faire à acquérir et conclu par le nombre des infractions et leurs pénalités. Une régularité d’horloge malgré l’épuisement, la faim, les blessures, … Et ce rappel constant que c’est un jeu, dont les maîtres doivent dicter, imposer et limiter les dérives pour éviter les accidents, là où les soumis, envahis par leur désir, sont incapables de se stopper.

Une affirmation de soi

C’est là la valeur implacable de ce livre : en s’abandonnant, en s’effaçant, en acceptant de devenir esclave, Menti se trouve et s’épanouit. Une continuité d’Histoire d’O ? Pas si simple ni évident. Cette tranquille certitude devenue passage à l’acte est une affirmation de soi, renforcée par cette écriture asexuée, avortée des grivoiseries/minauderies/minauderies habituelles du genre érotico-froufroutant. Ce parcours initiatique allant jusqu’à la zoophilie et à la prostitution est apprécié dans ses moindres secondes, avec fierté, insoutenable pour la plupart, assumée, savourée par l’héroïne et ses camarades de formation. Une exploration qui rappelle dans un autre registre le documentaire édifiant dédié à Bob Flanaghan : Documentaire : SICK: The Life & Death of Bob Flanagan, Supermasochist.

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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