Sex Toy : tu parles d’un surnom pour une gosse de 13 ans. Et pourtant Didrie la rebelle, Didrie le garçon manqué, Didrie l’alcoolique, Didrie au nom de guerrière, Didrie va endosser ce patronyme dont l’affublent ses camarades de classe jusqu’à la destruction complète, de ceux qu’elle déteste, de ceux qu’elle aime, d’elle-même qu’elle abhorre.
Un parcours tragique et écœurant
Entre poésie enfantine et langage ordurier, entre logorrhée d’ivrogne et critique sociale, Jean-Marie Gourio dessine le parcours tragique et écœurant de son héroïne vers l’irréversible. Délaissant la truculence parfois fataliste des Brèves de comptoir, l’ex-rédacteur en chef de Charlie Hebdo donne la parole à cette petite Antigone des banlieues, paumée entre des parents démissionnaires, des potes voyous, des profs lassés. À quel moment cela a-t-il capoté ?
Petite Didrie se le demande constamment alors qu’elle cuve sa biture, qu’elle se noie dans le binge drinking, tentant d’échapper à la réification sexuelle que subissent ses copines. Cybersexe, violence latente, délinquance, pédophilie, cruauté, abandon, ennui, ce récit à la première personne serait proprement hallucinant s’il ne s’appuyait sur des réalités régulièrement mises en lumière par les médias.
Le désarroi des initiations ratées
3 x Manon abordait cette thématique avec une issue heureuse, malheureusement Sex Toy n’est pas aussi lumineux. L’auteur y raconte comment les choses peuvent déraper, vite, en une seconde, exposant ainsi la fourbe mécanique qui fait basculer nos enfants dans le crime. C’est la logique effrayante de Jonquet dans La vie de ma mère ! ou Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte. C’est l’atroce nonchalance de L’Appât de Tavernier. C’est…
C’est la narration répétée des dérives adolescentes, la récurrence des initiations ratées, et ce sentiment de complet désarroi qui saisit le lecteur devant une déchéance dont il perçoit vaguement la gravité, mais qu’il ne devine qu’à moitié tant elle est invraisemblable. De fait, Sex Toy rappelle par certains aspects La Vague : certaines critiques du livre ont mis en avant la démission des adultes, pourtant ils sont très présents dans l’intrigue. Mais c’est leur impuissance à gérer la crise qui frappe les esprits. Et qui fait peur.