Alors que l’heure fatidique de son exécution approche, Marjorie enregistre ses pensées sur un magnétophone. Répondant aux questions sur papier d’un très grand auteur qu’on devine être Stephen King, elle raconte son parcours, comment elle en est arrivée à cette cellule, à cette condamnation à mort. Voici en quelques mots le pitch du roman Speed Queen.
Une fuite en avant
Un roman signé Stewart O’Nan, qui, en 1998, synthétise en 300 pages des thématiques qui lui seront chères sa carrière durant : l’Amérique profonde dans ce qu’elle a de plus plat, de plus destructeur, la fuite en avant face à l’ennui et au vide existentiel, la fascination pour les grosses bagnoles, la vitesse, la malbouffe, l’absence totale d’avenir. Vu son pedigree, pas étonnant que Marjorie ait vrillé. Ou pas. Quand exactement commence-t-elle à basculer vers la violence, le meurtre de masse ?
Durant l’enfance, quand son père jette son chien mort dans une benne à ordures au lieu de l’enterrer au fond du jardin comme il l’avait promis ? Quand elle perd sa virginité de la façon la plus sordide qui soit ? Quand elle plonge dans l’alcoolisme puis dans la came ? Quand elle croise pour la première fois la route de son grand amour, Lamont, ses crocs de loup et sa Roadrunner rutilante ? Quand elle s’éprend de Nathalie, une codétenue faussement sympathique, mais qu’on devine finalement intéressée et manipulatrice ?
Une poésie fatale, décalée et poignante
Quand ? C’est la question centrale de ce roman trépidant où chaque page nous rapproche d’une catastrophe qu’on sent, qu’on sait inévitable. Petit à petit, Stewart O’Nan parsème ce récit au parler si populaire d’indices, de signaux faibles qui prophétisent le destin funeste de cette tueuse qui n’en est peut-être pas une. Consacrée « Speed Queen » par la presse pour son amour de la vitesse, sa longue cavale en mode Thelma et Louise, Marjorie se confesse pour deux raisons :
- Grassement payé, son témoignage mettra son fils à l’abri du besoin quand elle sera morte.
- Ses aveux ont aussi pour objectif de restaurer une vérité écornée, selon elle, par le livre à succès édité par son ex-maîtresse qui en a réchappé.
Coupable ou non ? Peu importe au final. Ce qui ressort de ce récit dont certains termes, certaines tournures, certaines émotions portent une poésie décalée et poignante, c’est le côté fatal. Une tragédie programmée, l’horreur d’un compte à rebours impitoyable vers une mise à mort programmée. En cela, le livre d’O’Nan s’apparente à celui de Hugo, une version moderne et féminine du dernier jour d’une condamnée.
Et plus si affinités