Le diorama ? Un art tout en finesse, en précision, qui ne tolère aucun écart, aucune faute. Parmi les spécialistes du genre, Ronan-Jim Sévellec a su imposer des œuvres singulières, des mondes en réduction d’une minutie obsessionnelle, une mise en boite réfléchie de l’instant suspendu.
Décors de théâtre
Né à Brest en 1938, Ronan Jim Sevellec s’initie très jeune au dessin et au modelage auprès de son père, lui-même artiste. Ses premiers dessins sont publiés dans la presse dès 1960. Établi en région parisienne à partir de 1967, il devient illustrateur, réalise des maquettes pour le cinéma et continue de peindre. Des maquettes pour le cinéma : cette expérience l’amènera progressivement à délaisser la surface plane de la toile pour se consacrer uniquement au travail du volume.
De là proviennent ses créations hors normes : des décors de théâtre vides de personnages dont on sent pourtant l’impalpable présence dans chaque détail infime, des boites de vie contenue qui appellent frénétiquement l’être humain qui les habite, mais qui en est soustrait. Notre maquettiste du réel passera dix ans à modeler ces boites magiques. En 1989, première exposition en Normandie : maturité, cohésion, surprise que le public parisien vivra six ans plus tard lors d’une première incursion dans la capitale.
Savants bazars
Des décennies ont passé : les aquariums réalistes sont toujours là, entre steam punk, ambiance à la Jules Verne, scène signée Tim Burton. Un univers aux frontières de La Cité des enfants perdus ou Peter Pan, de La Famille Addams ou de Dr Jekyll et Mr Hyde. Brocante futuriste ? Laboratoire de machine à remonter ou avancer le temps ? Élégance désuète de ruines apocalyptiques ? Ces boites sont de savants bazars, des cabinets de curiosités dévastés par une tornade, alourdis de poussières, jaunis par les sables séculaires.
Encombrés, étouffants d’objets inutiles, collectés dans un ultime effort d’appropriation et d’enfermement sur soi : soulignons le patient travail de récupération/translation de l’objet, minutieux, patient et réfléchi : morceaux de bois, papiers froissés, rognures diverses… Tout est sculpté, coloré, modelé, renversé, cassé, superposé d’époque en style. Étrange, fantastique, merveilleux ? Nostalgique. Ces théâtres figés, saturés de souvenirs, vides, évoquent des histoires de fin du monde, des fragments de vie mystérieusement interrompus.
Poésie du minuscule
Une interactivité entre l’œuvre et son spectateur se tisse automatiquement, au premier regard, invitation à l’observation. L’œuvre de Sévellec est profondément introspective. Si ses créations nous touchent tant, c’est qu’elles font écho à nos propres souvenirs. Ses miniatures, souvent marquées par un sentiment de solitude, d’abandon, nous renvoient à nos propres questionnements sur le temps qui passe, les traces que nous laissons derrière nous. En se confrontant à ces lieux désaffectés, on ne peut s’empêcher de réfléchir à la fugacité de la vie, aux moments qui s’échappent et aux histoires qui se perdent.
Scruter une boite de Ronan-Jim Sévellec, c’est pénétrer un univers aussi intime que troublant, où la poésie du minuscule raconte des histoires silencieuses. L’artiste fait de nous des voyeurs et des conteurs. Ces œuvres sont à la fois des prouesses artistiques et des fenêtres ouvertes sur notre propre condition humaine ; elles nous rappellent que derrière chaque lieu, chaque objet, il y a des vies, des souvenirs, et des ressentis qui persistent, même lorsque le temps semble les avoir effacés. À nous d’en recomposer le cours, par la puissance de l’imaginaire.
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