Sambre : 30 ans de viol en toute désinvolture

Trente ans… Il aura fallu trente pour arrêter le violeur de la Sambre. Et sur un hasard en prime, une erreur commise par cet agresseur sexuel pourtant aguerri, visiblement devenu trop confiant. Ces trente années, Jean-Xavier de Lestrade les évoque dans la minisérie Sambre (2023). Un visionnage dont vous ne sortirez pas indemne, qui va vous faire bondir de colère, de frustration, d’indignation dans votre fauteuil. Et vous inoculer un sentiment d’impuissance bien amère.

Un fait divers glaçant

Jeux d’influence, 3xManon, ce n’est pas la première fois que nous évoquons le travail de Jean-Xavier de Lestrade dans notre webmagazine. Son style épuré et incisif, sa pudeur, sa justesse dans l’exploration des émotions, sa manière de scruter la violence humaine sous toutes ses formes, tout le portait à s’intéresser à ce fait divers glaçant qui a secoué la France trois décennies durant.

Pour mémoire, le « violeur de la Sambre » a commis 54 agressions sexuelles et viols entre 1988 et 2018, principalement dans le nord de la France. 54 agressions infligées au petit matin sur des femmes et des jeunes filles sans défense, qui se rendaient à leur travail, à leur école. Trente années durant, ce brave père de famille, apprécié de tous, a agi sans être inquiété, insoupçonnable, tirant partie des failles d’une police et d’une justice au mieux ignorantes de la réalité du viol en série, au pire désinvoltes face à la souffrance de ces femmes.

Indifférence institutionnelle

Pourtant les, signaux d’alerte furent nombreux. Une victime, une juge d’instruction, une maire, une scientifique, elles furent plusieurs à dire, à témoigner, à faire le lien entre les différentes agressions de ce prédateur, qui, fort heureusement, n’a jamais tué, du moins à ce qu’il dit. Construit en six épisodes, le récit de Lestrade redonne la parole à ces femmes, mettant en évidence le mur d’incompréhension auquel elles se heurtent, leurs efforts avortés pour stopper les agissements du violeur.

Enquête statique, négligence des autorités, répercussions dramatiques pour les victimes, l’horreur se déroule en toute quiétude, les destins se fracassent dans un contexte d’indifférence institutionnelle absolument révoltant. Ainsi, Sambre explore avec minutie l’inertie du système judiciaire et l’échec accablant de la police, qui n’a pas su lier entre elles ces nombreuses agressions, n’a pas voulu voir l’évidence, avec pourtant toutes les preuves sous les yeux.

Une approche sobre et respectueuse

Il faudra l’intervention d’un enquêteur spécialiste des cold cases, un homme donc, pour qu’enfin on daigne entendre et agir. Avec mauvaise grâce. La série, en dénonçant ces défaillances systémiques, met en exergue la ténacité des victimes qui, malgré les obstacles, n’ont jamais cessé de réclamer justice face à l’autisme d’autorités pour qui les violences sexuelles ne constituaient pas une priorité. Fin et pertinent, Jean-Xavier de Lestrade choisit une approche sobre et respectueuse, privilégiant l’aspect psychologique du drame plutôt que le sensationnalisme.

C’est tout à son honneur : la violence ici est suggérée, mais elle hante chaque scène, chaque silence, transpirant autant dans les séquences d’agression que dans les scènes de confrontation avec la justice. L’inaction des institutions, l’impunité du criminel s’insinuent dans les consciences, rendant l’atmosphère irrespirable. Alix Poisson, Olivier Gourmet, Jonathan Turnbull, Pauline Parigot, Clémence Poésy, Julien Frison, Noémie Lvovsky, l’ensemble du casting est impeccable. Leur jeu tout en nuances révèle la tension émotionnelle des protagonistes, tiraillés entre la volonté de vérité et la frustration de voir le système échouer à plusieurs reprises.

Sambre est une œuvre nécessaire, qui invite à réfléchir sur l’inaction face aux violences faites aux femmes, tout en rappelant que derrière chaque chiffre, chaque dossier, il y a des vies brisées par l’indifférence et la violence. La série met en lumière l’ampleur des dysfonctionnements des institutions, mais aussi la force et la résilience de ces victimes.

Et plus si affinités ?

Vous avez des envies de culture ? Cet article vous a plu ?

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

Website: https://www.theartchemists.com