Pour sûr, avec la série 1985, le réalisateur Willem Wallyn agite une mémoire aussi douloureuse que vive chez nos cousins belges. Aujourd’hui encore, la terreur répandue en Belgique par les Tueurs du Brabant dans les années 80 demeure marquée au fer rouge dans les mémoires. Et pour cause : outre les atrocités commises, on ne les a jamais attrapés. Beaucoup de rumeurs, beaucoup de pistes, aucune arrestation. Un véritable déni de justice que 1985 dénonce comme un grand cri de colère.
Une police corrompue… ou coupable ?
Car la colère est présente dans chacun des plans de ce récit haletant. Pas de la rage, non, une colère froide, pensée, mûrie, une colère juste, qu’on se passe de père en fils, de génération en génération. Colère que le spectateur va progressivement faire sienne (c’est le but d’ailleurs) devant ce spectacle aussi effrayant que honteux : celui d’une police au mieux incapable, au pire corrompue, pour ne pas dire coupable.
Recoupant les différentes hypothèses forgées au fil du temps et des enquêtes, Wallyn tisse une intrigue où l’option d’un coup d’État fasciste doublé d’une stratégie de la tension vise à faire vaciller le pouvoir en place tout en matant les opposants politiques. Le tout mené par certains membres des forces de l’ordre qui se prennent pour des supercops mais qui ne sont au finish que des hommes de main d’autant plus dangereux qu’ils sont endoctrinés.
Enquêter dans l’ombre
Nous pénétrons ce nid/nœud de vipères dans le sillage de trois amis d’enfance, Marc, Frankie et sa sœur Nicky. À peine sorti de l’adolescence, Nicky intègre l’université pour devenir avocate. Quant aux deux garçons, ils rejoignent les rangs de la gendarmerie. Le premier, fils d’un officier célèbre décédé depuis, se dirigera vers le service des enquêtes ; le second, orphelin de mère, intégrera un groupe d’intervention prestigieux. Deux facettes de la police d’alors, deux manières d’explorer la gangrène à l’œuvre jusque dans les hautes sphères ministérielles.
Les rares flics intègres et désireux de faire leur travail d’investigation ? Ils sont mis à l’écart, blacklistés, pire parfois. Et les massacres perpétrés par ces mystérieux Tueurs du Brabant n’arrangent rien. Car dans les couloirs, on murmure bien des choses sur leur potentielle identité, et les protections dont ils bénéficieraient. Tentant de faire face, Marc va enquêter dans l’ombre, tandis que Frankie, lui, va se retrouver happé dans une spirale infernale. Aucun n’en sortira indemne.
Sensation d’impuissance
Images très pâles, lumières fades, murs de brique, Wallyn contemple la détresse de ses héros face à cette barbarie. Et le spectateur de suivre, sidéré par ce qu’il découvre, tandis que la bande son égraine les succès dark wave d’alors. La tragédie humaine est palpable, et c’est la très grande force de cette série hors pair que de donner à ressentir l’effet physique et psychique de cette atmosphère de complots. Le casting, exceptionnel, participe de cette sensation étouffante d’impuissance, de même la conclusion de chaque épisode, où des archives télévisées prouvent la véracité des événements relatés.
Nous ne sommes pas dans une fiction, nous sommes dans une lecture d’un réel dont on peine encore à recomposer le fil. Un fil qui est pourtant là, sous nos yeux. Et qui pourrait bien de nouveau se dérouler à moins qu’il n’ait jamais été rompu. Impossible de regarder ces images sans réfléchir au devenir d’une démocratie quand son corps de police est aussi corrompu, aussi brutal, aussi convaincu de sa supériorité, de sa toute puissance. On ne peut que faire le lien avec notre présent, et c’est loin d’être réjouissant.
Et plus si affinités