Manon, 15 ans, un air de bête traquée, une violence de fauve, l’insulte à la bouche, farouche et impulsive, Manon, 15 ans, un soir, poignarde sa mère. Paradoxalement, ce geste criminel et contre-nature marque le point de départ de sa rédemption.
Portrait d’une écorchée vive
Internée en centre fermé pour, dixit sa juge, “réfléchir” à son acte, la jeune fille (Alba Gaia Bellugi, touchante, sensible, fracassante et fracassée à la fois) va se confronter à l’effroyable férocité qui la crucifie. Plongée dans cet univers extrêmement encadré, antichambre du milieu carcéral où se côtoient éducateurs, psychologues, enseignants et administrateurs tenus par les institutions à des résultats d’intégration, Manon va devoir cheminer seule.
Épaulée par des adjuvants humanistes qui perçoivent ses compétences, brimée par l’obligation psychorigide des personnels qui veulent la plier au respect et à la loi, nous suivons cette écorchée vive dans des limbes sociaux, préfigurant un enfer dans lequel, à chaque instant, elle risque de tomber, jusqu’au moment où, enfin, elle va trouver son vrai fantôme, son vampire, son Cerbère… et l’abattre.
Dureté, tendresse et indigence
Jean-Xavier de Lestrade filme cette quête de soi avec dureté, tendresse et un sens évident du suspens qui trahit la perpétuelle tension de son héroïne, au point qu’on avale les trois épisodes de la minisérie d’une traite, comme on dévorerait un polar : dissensions au sein de l’équipe pédagogique partagée entre discipline régressive et ouverture créative, conflits larvés avec les autres pensionnaires, tout aussi dévastées que Manon, déséquilibre de la mère, (terrifiante Marina Foïs) dont on comprendra qu’elle est à la source de ces troubles, faisant de sa fille une excroissance de ses manques affectifs, un enfant symptôme…
Tous les ingrédients sont ici rassemblés pour dresser un portrait passionnant ainsi qu’un tableau objectif de cette réalité sociale dont les participants sont peu préparés : l’exemple de l’éducatrice injectée dans ce système après seulement une semaine de formation où on lui a juste appris les techniques pour maîtriser quelqu’un en pleine crise sans lui fournir de bases solides sur la psychologie adolescente en dit long sur le manque de moyens hallucinant de ce secteur (qui par bien des côtés rappelle l’indigence de l’hôpital psychiatrique, évoqué dans l’ouvrage Folie, allée simple ).
Face à cette bureaucratie aveugle, le réalisateur introduit des individualités chargées de bon sens, de respect et d’abnégation : Lucas (Yannick Choirat), le seul qui perçoit la détresse de Manon face à sa mère, qui va l’initier à la mécanique alors qu’on veut la cantonner à la coiffure, Mme Barthélémy (Annick Poisson), la professeure de français qui apprend à mettre des mots sur le mal, Vivianne, (Anne Benoit) la femme à tout faire, mère de substitution, à l’écoute bien que silencieuse, présente d’un geste, d’une caresse.Comme pour nous rappeler que le contre-nature n’est peut-être pas là où on croit, et qu’à la source de chaque être accompli et heureux, on trouve le respect, la patience et la confiance.