On se souvient tous du magistral Il faut sauver le soldat Ryan (1998) : en une séquence d’ouverture sidérante, Spielberg accouche d’un chef-d’œuvre de véracité, narrant l’horreur du débarquement de juin 44 avec une justesse prenante, un sentiment de quête absurde. Un chambardement majeur dans l’esthétique du film de guerre ! Le succès aidant, une série, Band of brothers, voit le jour en 2001, suivie d’un Band of brothers – L’enfer du pacifique en 2010, puis du récent Masters of the air (2024). Un triptyque incontournable pour une reconstitution fidèle doublée d’un travail de passation de la mémoire et d’un hommage à ceux qui ont combattu.
Une restitution étonnante de précision
Trois séries conçues donc comme les chapitres d’un récit palpitant et terrifiant à la fois, relatant des événements historiques majeurs, explorant l’état d’esprit de ces guerriers inconnus dont l’Histoire aurait avalé le nom si Steven Spielberg et Tom Hanks ne s’étaient mis en tête d’en réveiller le souvenir.
- Pour Band of brothers, on suit le périple de la Easy company, régiment d’infanterie parachutée en Normandie avant de rouler sa bosse jusqu’en Autriche après un passage particulièrement pénible à Bastogne pendant la bataille des Ardennes et la libération du camp de concentration de Landsberg am Lech.
- Avec Band of Brothers – L’enfer du Pacifique, on découvre l’atrocité des combats opposant le corps des marines des États-Unis et les troupes japonaises ; Guadalcanal, Peleliu, Okinawa, Iwo Jima, les batailles les plus meurtrières sont racontées, cruelles et sans pitié (probablement le plus incoutenable des trois chapitres).
- Avec Masters of the air, on aborde la Seconde Guerre mondiale du point de vue de l’aviation, en suivant les aventures de la 8th Air Force, entre stratégie de bombardement et équipement précaire, avec en prime un passage par les camps de prisonniers pour les aviateurs abattus en vol et arrêtés sur le sol allemand.
Bref, la matière est dense, la restitution étonnante de précision, inspirée par des ouvrages historiques, les travaux de Stephen Ambrose pour le premier opus, les mémoires d’Eugene Sledge ( With the Old Breed At Peleliu And Okinawa ) et Robert Leckie (Helmet for my pillow) pour le second, Master of the Air: America’s Bomber Boys Who Fought the Air War Against Nazi Germany de Donald L. Miller pour le troisième.
Expérience de mort
Le concept est le même, particulièrement efficace : suivre quelques personnages emblématiques propulsés dans un véritable enfer de violence et de mort où très vite, ils vont comprendre la différence entre les grands principes qui les ont poussés à s’engager et la mise en pratique sur le terrain, mise en pratique féroce, sanglante et mortelle, où il convient de survivre avant tout. Europe ou Pacifique, sur terre ou dans les airs, la brutalité des affrontements prend à la gorge, à chaque plan d’une rigueur documentaire.
L’Histoire racontée dans les livres est une chose, la réalité vécue dans les tripes et la boue fut autre, bien sûr. C’est aussi l’objectif de ces miniséries que de fouiller les dessous de cette expérience de la mort : mort vécue, subie, infligée par des soldats souvent très jeunes et qui ressortirent de cet épisode marqués à jamais. Ainsi les trois volets priment par le caractère humain de leur propos. Ce sont des individus que nous suivons dans les bocages normands, sous les palmiers ou au-dessus des nuées, pas des anonymes, mais des êtres avec des familles, des sentiments.
Une fraternité immuable
Les voir se transformer en tueurs a quelque chose d’effrayant. De profondément dérangeant aussi. Car initialement, ce sont des mômes, des gens comme vous et moi. Les voir se métamorphoser en bêtes de combat a de quoi secouer les méninges et susciter les questions : et nous, qu’aurions-nous fait dans pareille situation ? Aurions-nous eu les tripes et les épaules pour assumer ? La problématique est d’autant plus actuelle que ces vétérans ont aujourd’hui pour la plupart disparu. La mémoire s’efface tandis que l’âge les emporte. Demeure le souvenir ténu d’une fraternité immuable, résumée par l’expression « band of brothers » tirée d’Henry V de Shakespeare.
Ce souvenir est incarné par une kyrielle d’acteurs touchants dont certains feront ensuite un chemin notable : Damian Lewis, David Schwimmer, Tom Hardy, Michael Fassbender, Rami Malek, Brendan Fletcher, James Badge Dale, Barry Keoghan, Austin Butler, Callum Robilliard Turner, Anthony Boyle et j’en passe, la saga a servi de berceau à un nombre non négligeable de jeunes talents tout en accueillant des valeurs sûres dans un esprit choral digne des grands films comme Un pont trop loin ou La grande évasion. Il fallait au moins cela pour restituer les émotions ressenties par ces héros si humbles à qui l’on doit tant.
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