
C’est la sensation forte de ce début 2025 : Bref revient ! Pour mémoire, la première édition en date de 2011-2012 narrait à la première personne et sur un rythme endiablé (format super court oblige) les galères d’un trentenaire un brin paumé entre histoires de cul/cœur compliquées, jobs galères et amitiés bordéliques. Une décennie à la louche plus tard, Kyan Khojandi et son complice Navo (Bruno Muschio dans le civil) remettent le couvert avec une seconde saison en mode coup de poing dans la gueule.
Quand « Je » se remet en question
Car la quarantaine triomphante ne va pas être un cap facile à passer pour « Je ». « Je » qui va enfin devoir prendre les défis du quotidien à bras-le-corps. Et faire tout son possible pour sortir de sa peau d’adulescent fuyant et irresponsable (quand il ne donne pas un brin dans la manipulation et la mauvaise foi) afin d’accoucher d’un « Je » plus apaisé sinon épanoui.
Oui, c’est possible, et en plus c’est drôle, tendre, introspectif et pertinent. Exit les conneries de la trentaine, les blagues débiles. « Je » fait le nettoyage, se remet en question. Et cela n’a rien de chiatique, bien au contraire. Car au gré d’un rythme plus posé (byebye le format speedé shortcom de 1 min 30 à 3min chrono avec narration essoufflée, mots bouffés, on passe à six épisodes de 40 minutes en moyenne), le tandem Khojandi/ Muschio accompagne « Je » dans l’âge adulte. Et c’est une pure régalade.
Mettre les compteurs à 0
Une régalade pure mais dure cependant, car « je » va en chier pour prendre sa vie en main, aussi bien au niveau professionnel qu’amical et amoureux évidemment, sinon ça ne serait pas marrant. Je passe sur les détails, vous les découvrirez en visionnant ce petit bijou de série qui a eu tout à gagner à bosser avec Disney +. Pas de censure, pas d’interdictions, pas de frilosité : on se demande bien pourquoi du reste, Bref 2eme du nom n’a rien de provoquant, si ce n’est cette quête douloureuse de soi-même.
Quête qui passe par la confrontation avec autrui, papa, maman, le frangin, les potes, les ex, les futures… LA future. Pour gagner le game, il va falloir scruter les méandres de cette crise intérieure qui couve et qui va péter en direct live. Solitude, anxiété sociale, pression pro, course au succès, peur du vide, de l’ennui… « Je » a fort à faire pour mettre les compteurs à 0 et entamer une nouvelle vie. Peut-être parce que les compteurs ne se remettent jamais à 0, que les traumas de l’enfance sont sournois, indélébiles ?
Situations banales, catastrophes psychiques
Et c’est là que Bref. 2 joue sa meilleure carte. En mettant en image avec beaucoup de jugeote, énormément d’humour et juste ce qu’il faut de bienveillance comment des situations banales peuvent entraîner des catastrophes psychiques d’envergure. Derrière le burlesque et l’absurde, derrière le speed et les punchlines, la série scrute nos névroses modernes. Difficile de se trouver dans tout ce bordel, entre les injonctions parentales, les rivalités entre frères, la peur du regard de l’Autre, surtout quand l’Autre est une femme.
Si Bref 1 a fonctionné, c’est parce qu’elle dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas, avec une honnêteté brute. La saison 2 creuse le sillon, inscrivant son discours dans cette prise de conscience collective que la santé mentale est une problématique cruciale. Pas pour rien que le rôle du psy, alcoolo de service aux répliques bien frappées, est tenu par un Alexandre Astier absolument parfait de cynisme et de désillusion.
La fine fleur de l’humour à la française
Car la quarantaine, c’est l’horloge biologique qui commence à déconner, comme l’explique un médecin pour le moins brutal (magistral Grégoire Ludig), à un « Je » qui prend soudain conscience que la machine se fragilise. Premier bug dans un grippage qui va se généraliser. Y compris dans la proximité. C’est là que le casting importe, et quel casting. Toute la fine fleur de l’humour à la française, cette génération d’amuseurs qui ont envahi le monde grâce à la fée internet et qui aujourd’hui, célébrant ses 40 printemps, connaît les affres de « Je ».
L’occasion pour Khojandi/ Muschio de rendre hommage à ce clan tout en jonglant sur les joies de l’oeuvre chorale, où chacun apporte son talent, même si ce n’est que 30 secondes. Laura Felpin, Bérengère Krief, Alice David, Thomas VDB, Jean-Paul Rouve, Doria Tillier, Carlito, Jonathan Cohen, Xavier Lacaille, Bertrand Usclat, Orelsan, Gringe, Monsieur Fraize… je ne vais pas tous les citer, la liste est longue comme un dimanche aprèm’ sous antidépresseur. Mais elle témoigne de la vitalité d’une scène artistique qui a su triompher des affres de la trentaine pour s’inscrire comme des valeurs sûres dans le PAF et le PCF (paysage audiovisuel français et paysage culturel français).
Le tout se décline sur une BO tout en nuance où voisinent les compos de The Name, Neus, Emilie Simon, Nameless, Tortoza, avec le plein de références à une pop culture où règnent mangas, jeux vidéo et autres références à Barbie, Légo et consort. De quoi se dire que le problème n’est finalement pas de sortir de l’adulescence mais d’accepter que c’est cela le véritable âge d’homme.
Et plus si affinités ?
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