Citoyens clandestins : cynique, poétique et émouvant

«Cela bouge pas mal du côté des séries françaises, avec ARTE en première ligne pour promouvoir des intrigues décalées, des projets hors normes» disais-je dans l’intro de mon article sur Machine. Difficile d’évoquer la série de Fred Grivois sans la mettre en regard avec une autre production ARTE, j’ai nommé l’excellente série Citoyens clandestins.

https://youtu.be/gERpb5qSw1s?si=biLHCn_9d0JYL9Nh

Des portraits d’une redoutable précision

La réalisatrice Laetitia Masson signe cette adaptation du roman de DOA pour mettre en image une plongée poignante dans les arcanes du renseignement au lendemain des attentats du 11 septembre. Tous les services sont sur les dents, d’autant qu’on redoute la gestation d’un nouvel attentat qui impliquerait des produits chimiques hautement destructeurs. Des produits made in France. Il faut donc récupérer le dangereux chargement avant que les terroristes islamiques ne s’en servent… et que le scandale ne fuite.

Car les armes chimiques n’ont pas bonne presse, encore moins ceux qui les fabriquent. L’État français ne peut se permettre pareille publicité. Tous se mobilisent donc pour étouffer l’affaire. Sauf que les services de renseignement, adeptes du secret absolu et de la manipulation la plus experte, ont la fâcheuse tendance de se tirer dans les pattes, par le biais de ces citoyens clandestins qui en composent les rangs. Ce qui nous vaut une galerie de portraits d’une redoutable précision, depuis le militaire infiltré jusqu’à la petite reporter ambitieuse en passant par le mercenaire solitaire et poétique.

Un cynisme insupportable

Poétique : c’est là justement que la série surprend. Car ces hommes de l’ombre, prêts à toutes les extrémités pour protéger la France, ces machines de guerre surentraînées, ont en partage une très grande solitude, un regard désabusé sur le monde, l’humanité et ses travers. Et ils en expriment le fiel d’une façon souvent tendre et pleine de sagesse, fataliste également. Peu ont le droit d’avoir des sentiments, des attirances, des passions. Et si c’est le cas, ils les vivent en silence, sachant qu’elles peuvent les happer à tout moment.

Moins drôle que Machine, Citoyens clandestins évoque sous un angle plus choral une réalité pareillement émouvante : l’anonymat de soldats d’élite formés au mystère et qu’on sacrifie sans scrupules, souvent avec un insupportable cynisme. D’où l’importance du casting de cette tragédie de l’absurde. Un casting en majorité masculin : outre la très fragile Naïlia Harzoune, s’y distinguent Gringe, Nicolas Duvauchelle, Laurent Stocker, Emmanuel Salinger, Frédéric Pierrot, Pierre Arditi, Marc Zinga et Raphaël Quenard, qui une fois de plus, crève littéralement l’écran.

Écorner la vérité

Tous se croisent, se trompent, s’affrontent dans une atmosphère opaque, oppressante, où dominent les couleurs froides, les ombres nocturnes. De temps à autre, le sang jaillit comme un flash de lumière. Partout, la tension, latente. Les messages énigmatiques, les ordres qu’on ne comprend pas, qu’on ne comprend plus. La peur, les pressions, les manipulations, éventuellement la torture et la liquidation pure et simple d’un adversaire qui parfois est initialement un allié.

La vérité en sort écornée pour le moins, et il ne fait pas bon être lanceur d’alerte ou journaliste dans ce panier de crabes. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cela manque de clarté et de cohérence. La question arrive alors, inévitable : sans même parler de justice, comment peut-on être convenablement protégé alors que ces gens censés assurer notre sécurité s’entre-tuent ? Quels intérêts prévalent ici ? Ceux des citoyens lambda ou ceux des grands groupes d’armement ? Au fil du récit, la réponse s’impose. Et elle ne fait guère plaisir.

Et plus si affinités ?

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Padme Purple

Posted by Padme Purple

Padmé Purple est LA rédactrice spécialisée musique et subcultures du webmagazine The ARTchemists. Punk revendiquée, elle s'occupe des playlists, du repérage des artistes, des festivals, des concerts. C'est aussi la première à monter au créneau quand il s'agit de gueuler !