Une fois de plus, soyez les bienvenu.es dans le dark side des paillettes virtuelles. Inspirée du roman de Delphine Le Vigan, la mini-série Les Enfants sont rois décrit les effets pour le moins pervers de l’exposition médiatique infantile. Ou quand le combo chasse aux likes/fascination des abonnés dévoile des consciences perturbées, un rapport néfaste à l’identité, un amour filial dénaturé.
Poule aux œufs d’or numérique
Kimmy Diore, une adorable petite fille de six ans, est la star de la chaîne YouTube « Happy Récré » qu’elle anime aux côtés de sa mère, la charmante, souriante, éclatante Mélanie. Problème : une après-midi, la gamine, partie jouer avec son frère au pied de son immeuble, disparaît. Panique à bord : perdue ? Accidentée ? Enlevée ? Pire encore ? Qu’a-t-il bien pu arriver à la petite ?
Dépêchée sur site ainsi que son équipe, l’enquêtrice Sara Roussel (excellente Géraldine Nakache) sait qu’elle doit agir vite pour trouver la trace de Kimmy. Mais elle se heurte très vite à une réalité déroutante. Derrière l’amour et la complicité affichés sur les écrans en rose fluo, elle découvre un climat délétère, une enfant exploitée, une mère obsédée par la célébrité, un père passif, un couple qui a fait de sa fille une poule aux œufs d’or numérique.
Les diktats du social media
Qui a bien pu vouloir mettre à mal ce conte de fées aux allures de petite entreprise très rentable en s’en prenant à cette fillette adorable au demeurant ? Un prédateur pédophile ? Un tueur psychopathe ? Un rançonneur ? Un concurrent ? À moins que les géniteurs de la star n’aient dérapé ? De révélation en découverte, les policiers se perdent en conjectures… et tombent toujours un plus haut de leur chaise et nous avec.
Car le scénario de ce polar de haut vol décortique à belles dents la réalité du star-système numérique des enfants. Influenceurs précoces, parents exploiteurs, public qui consomme tout ça comme des sucreries : le tableau est effrayant. À l’heure où les gamins se battent plus pour des abonnés Insta que pour des bonnes notes, Les Enfants sont rois est le miroir trash et brutal d’une époque soumise aux diktats du social media.
Le besoin maladif d’être reconnu.e
Les questions s’enchaînent tandis que ce récit grinçant nous secoue profondément : jusqu’où peut-on exposer ses gosses ? Comment la société peut-elle cautionner ce genre d’exhibition qui a tout de l’exploitation infantile ? Le personnage de la mère, interprété par une Doria Tillier sur le fil du rasoir, illustre une dérive ô combien malsaine et insupportable, le besoin viscéral, maladif d’être reconnue, adulée, quitte à la faire via sa fille, excroissance d’elle-même et qu’elle maltraite quand elle refuse de tourner.
Manipulatrice, colérique, violente, déséquilibrée mentalement, le personnage de Mélanie est au cœur du processus, prête à tout pour réussir, accumuler une fortune, être célèbre. En roue libre. Elle n’est pas la seule, c’est bien le problème. D’autres parents font de même, ses concurrents, dans un climat de rivalité féroce, où les enfants stars sont contraints de tourner toujours plus, soumis à des challenges qui en font des animaux de foire, des freaks digitaux.
Que reste-t-il quand les lumières s’éteignent ?
Insupportable et d’une tristesse suffocante. Des Thénardier, il n’y a pas d’autres mots. Le réalisateur Sébastien Marnier enfonce le clou, tissant une atmosphère froide et angoissante : chaque scène capte le désenchantement de cette quête de visibilité. La caméra est sans filtre, capture l’intimité exposée, la pression subie par chacun, comme un clin d’œil à l’absurdité de notre ère numérique. Prise de conscience en marche ?
Cette série ne parle pas seulement de la vie de quelques influenceurs perdus dans leur propre reflet ; elle parle de nous, de notre obsession à tout documenter, à tout partager, à monétiser même les moments les plus intimes. Elle pose une question féroce : que reste-t-il quand les lumières s’éteignent ? Uppercut médiatique, critique qui laisse groggy : si vous n’avez pas encore ouvert les yeux sur les dérives de notre monde hyperconnecté, Les Enfants sont rois va s’en charger en mode électrochoc. Et cela devrait vous passer l’envie de devenir influenceur.
Et plus si affinités ?
Vous avez des envies de culture ? Cet article vous a plu ?
Vous désirez soutenir l’action de The ARTchemists ?