Ils sont jeunes, amoureux fous, pleins de projets, stériles et criblés de dettes : pour éviter la banqueroute qui les guette, Linda et Thom décident de monter une arnaque à l’assurance-vie. Seulement voilà, on ne s’improvise pas criminel comme ça. Surtout ces deux-là, qui n’ont pas vraiment des profils de voyous mais sont à la base Des gens bien. Et c’est là que réside toute la saveur amère de cette série belge absolument décapante, en mode « du rififi dans les Ardennes ».
Un conte moderne, horrifique et grinçant
Des gens bien donc : Linda et Thom bien sûr, mais aussi tout leur entourage, saupoudré de part et d’autre de la frontière séparant France et Belgique. Dans cette zone rurale où tout le monde se connaît, on s’épaule, on se rend service. On veut bien faire, trop parfois. Souvent. Entourés de gens bien, nos deux héros vont devoir composer avec cette bienveillance envahissante autant qu’aveugle, parfois dingue et trompeuse, qui flirte avec l’obsession d’exister.
Déjà pas très débrouillards, Linda et Thom vont très vite être dépassés par ce complot qu’ils sont infichus de gérer. Très rapidement et de fil en aiguille, ce n’est pas un grain de sable, mais une plage entière qui va venir gripper cette mécanique déjà très bancale à la base. Horrifique, tendre et grinçant, ce conte moderne accumule donc les rebondissements, les coups de théâtre et les victimes jusqu’au cliffhanger !
Face à la rudesse de la vie moderne
Un cliffhanger qui n’a rien à envier aux séries netflixiennes, et qui laisse le spectateur en plan au milieu d’un incommensurable bordel, avec à la clé force cadavres, nombre de frustrations, et le cœur un brin serré : il faut avouer qu’ils sont fort attachants, ces petits personnages paumés dans la platitude d’un quotidien au mieux chiant, au pire sans pitié. Difficile de ne pas se retrouver en eux, dans leur détresse, leur volonté de ne pas couler.
Dettes, drogues, adultères, alcoolisme, on s’évade comme on peut face à la rudesse de la vie moderne, on s’accroche à ses rêves, à ses amours, à ses enfants, à sa famille. Mais souvent ça dérape. Chaque protagoniste de ce récit oscillant entre drame et comédie porte sa part de chagrin, de souffrance, de deuil. Et le trio de scénaristes Stéphane Bergmans / Benjamin d’Aoust / Matthieu Donck sait y faire pour mettre ces aspérités en relief sans jamais les juger.
Un casting formidable
Aux commandes de la série La Trêve, les trois complices en écriture accouchent ici d’un très beau bébé, captivant et décalé, porté par un casting formidable où se singularisent Lucas Meister (Tom Leroy), Bérangère Mc Neese (Linda Leroy), India Hair (Stéphane), Michaël Abiteboul (Philippe) Peter Van den Begin (Serge)… Et pour rehausser un peu plus le tableau, Dominique Pinon en major de gendarmerie inconsolable, Corinne Massiero en cheffe de gare, François Damiens expert en assurance, Jean-François Gallotte en pasteur.
Le tout se tient bien, parfaitement orchestré par le réalisateur Matthieu Donck ; les six épisodes se laissent même bingewatcher avec un plaisir palpable. C’est un euphémisme de dire qu’on attend la suite avec impatience. Preuve que la production belge a de beaux jours devant elle, de la suite dans les idées et suffisamment de talents en réserve et d’imagination pour secouer un marché où les jolies surprises et les programmes audacieux se font rares.