Après avoir apprécié Maniac, nous avons fouillé plus avant la section «Back to the original » proposée par ARTE … pour y dénicher House of cards. Non, pas le succès américain, mais la série anglaise qui a inspiré David Fincher. Et soyons honnêtes, nous avons bingewatché la chose … et sommes restés sur le cul.
Tous les coups sont permis
Diffusé par la BBC au début des années 90, House of cards et ses deux saisons suivantes To Play the King et The Final Cut, nous entraînent dans les couloirs du pouvoir britannique. Objet de notre attention, le très ambitieux Francis Urquhart, qui profite de la démission de Margaret Tatcher pour conquérir le poste de Premier Ministre. A n’importe quel prix, par n’importe quel moyen. Bref tous les coups sont permis, et ce chief whip (celui qui mène les députés de son parti à la baguette pour voter d’une même voix) particulièrement retors s’autorisera toutes les ruses pour rafler la mise … puis conserver sa position dominante.
Un prédateur
Cela comprend le chantage, la manipulation des consciences via la presse et les rumeurs, la séduction, les affaires de fesses, l’intimidation, le détournement de fonds, le meurtre, l’attentat. Bref, malgré ses origines nobiliaires, Francis Urquhart est un sale type, une petite frappe de la haute, un voyou convaincu de ses prérogatives, écrasant de vanité et capable de tout. Une pourriture. Épaulé par une épouse aussi ambitieuse que lui, Urquhart ira jusqu’à faire destituer un roi pour conserver son poste et imposer sa vision d’une société inégalitaire au possible. Un prédateur, voilà ce qu’il est.
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Une approche réaliste
Question : rencontrera-t-il enfin celui qui le terrassera ? Vous le découvrirez en regardant cette série géniale, tirée de l’univers romanesque de Michael Dobbs, qui fut, entre autres, l’un des conseillers de Tatcher. Autant dire que les arcanes de la politique anglaise, Dobbs connaît, et son récit s’en ressent. Une approche très réaliste, qui ne laisse aucun doute sur la violence des relations entre tories et whigs bien évidemment, mais aussi entre les membres de chaque fratrie politique. Tout ce petit monde se déchire à belles dents, sans se préoccuper du bien commun ; Urquhart a juste les incisives plus aiguisées, ainsi que la jugeotte et l’égo.
Un villain shakespearien
Adepte de Machiavel, ce n’est pas un hasard si il est écossais d’origine. La référence à Macbeth plane sur chaque épisode de cette trilogie saturée de clins d’œil aux pièces historiques de Shakespeare. Traître dans l’âme, figure assumée du « villain » élisabéthain, sociopathe irrécupérable et fier de l’être, F.U. comme le surnomme ses collaborateurs, offre un parfait mélange de Iago, Cassius et Richard Gloucester. Cocktail explosif dans une Angleterre ultra-libérale qui privilégie l’enrichissement personnel et protège les fortunes déjà constituées au dépend des classes sociales inférieures … ce qui n’est pas sans évoquer la France de 2020.
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Le dessous des cartes
Liquidation des services publics, critique des miséreux responsables de leur sort, confiscation des places et des pôles décisionnaires par les membres de l’aristocratie et de la bourgeoisie d’affaire : les similitudes font trembler, tandis que Urquhart, cynique, multiplie les apartés pour expliquer le dessous des cartes au spectateur sidéré par ce qu’il découvre. Et comme pour souligner son immoralité, c’est Ian Richardson qui prête son visage au personnage, passant du sourire à la froideur en un dixième de secondes. La référence au Richard III de Laurence Olivier, au Cassius de John Gieguld est évidente.
Colosse aux pieds d’argile
L’ensemble, par sa brutalité, son manque absolu de valeurs morales, le poids de l’hypocrisie sociale britannique, les carcans qui la fossilise, rappelle par ailleurs La Foire aux Vanités de Thackeray … et pourtant. Cette épopée politique est d’actualité, profondément. Il y aura toujours des F.U. de par le monde, avides de tout régimenter à leur manière pour leur profit. La série a le mérite de démontrer que ce genre d’individu n’est pas éternel : ce ne sont que des colosses aux pieds d’argile. Leur temps est compté. C’est la leçon à retenir de House of cards.
Et plus si affinités