Prenez un agriculteur leucémique, un député écolo, un directeur marketing au bord du burn-out, un dirigeant d’entreprise agroalimentaire prêt à tout pour faire de l’argent, une journaliste sans scrupules ou presque, un lobbyiste au profil de pervers narcissique manipulateur, une gamine en quête de vérité sur la mort de son père, mélangez le tout : il n’y a plus qu’à visionner Jeux d’influence. Et flipper. Profondément.
Magouilles lobbyistes
Car cette série pour le moins palpitante décortique par le menu l’impact des lobbies de l’agroalimentaire. Et quand des milliards sont en jeu, peu importe qu’on empoisonne les gens avec des pesticides pourris, s’il faut manipuler, faire pression, exercer du chantage pour engranger les dividendes, pas de problème. Quant à ceux qui s’obstineraient à faire obstacle, un scandale, un internement en psychiatrie, un suicide maquillé, les solutions ne manquent guère pour museler les fâcheux, définitivement. À vomir.
Préparez-vous donc à vous sentir toujours plus nauséeux au fil des 6 épisodes scénarisés et réalisés par un Jean Xavier de Lestrade particulièrement inspiré, et dont nous avions déjà mesuré la force de frappe avec l’épidermique 3xManon. Rompu aux ficelles du polar psychologique, particulièrement pertinent quand il s’agit de relater des affaires judiciaires complexes, le metteur en scène multiprimé restitue les magouilles lobbyistes avec autant de justesse que de délectation. Et comme pour ajouter au caractère retors de manœuvres effectuées à la frontière de la légalité, il multiplie les personnages et les points de vue, rebondit sur les dissonances cognitives des uns, la détresse des autres, la volonté farouche de quelques-uns, rarissimes mais convaincus.
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« Pas de dette avec ces gens-là »
Contradictions, tensions, attirances, très vite les clashes se multiplient entre les protagonistes, dans une atmosphère irrespirable, ou le donnant-donnant propre aux négociations politiques finit en jeu de dupe pour tous. Car l’argument classique « nourrir les gens à un prix abordable » vole ici en éclat, idem pour celui de la préservation de l’emploi. Les politiques ? Pieds et poings liés… en apparence. Comme l’explique un député à son assistant (assistant parlementaire, poste clé et source problèmes à l’infini) en évoquant les consultants en communication et les lobbyistes, « pas de dette avec ces gens-là ». C’est la clé de l’autonomie et elle est difficile à conserver.
Quoi que… Le scénario vaut justement par un retournement de situation ministériel des plus savoureux ; preuve que les hautes instances du pays peuvent dire non et ont tout intérêt à le faire. Car ne nous leurrons pas, tolérer ces organismes comme ces entreprises, travailler avec eux, c’est comme signer un pacte avec le diable et Jean Xavier de Lestrade va le démontrer de manière magistrale et tout à fait vraisemblable. Son récit percute violemment la réalité des enquêtes de Cash Investigation, la prise de risques maximale des lanceurs d’alerte, le positionnement délicat des politiques qui doivent jouer de patience pour faire bouger les choses.
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En ligne de mire, Monsanto bien sûr, mais pas seulement. L’analyse convient pour tous les secteurs, santé, énergie, armement, où les spin doctors œuvrent dans l’ombre et avec une efficacité redoutable, qu’on ne peut contrer, et c’est le drame, qu’avec des armes similaires. Du coup, Jeux d’influence s’impose à la fois comme un excellent thriller et une étude pertinente des rouages à l’œuvre dans les milieux de la communication d’influence, tout en interrogeant notre implication à tous dans une acceptation qui n’a que trop duré.
Et plus si affinités
Vous pouvez visionner la série Jeux d’influence en DVD ou en VoD.