The Heavy Water War nous avait entraînés dans la lutte des Alliés contre le programme nucléaire nazi. Avec la série télévisée Manhattan, ce sont les dessous de la bombe atomique que nous explorons, dans le sillage de l’impressionnante équipe scientifique rassemblée en secret par l’armée américaine au milieu du désert du Nouveau-Mexique. Nous sommes en 1943 et l’intrigue forgée par Sam Shaw va suivre pas à pas le travail de ces physiciens hors pairs… et les déboires qu’ils ont à surmonter.
Liberté de penser vs secret militaire
Ils sont nombreux : omerta absolue sur les travaux à accomplir, fouilles constantes, censure en tous genres, surveillance accrue des communications, l’état-major fait tout et plus encore pour maintenir le mystère. Au sein des familles mêmes, les épouses et les enfants ignorent tout de ce que font ces messieurs, répartis en plusieurs équipes qui se jalousent férocement. C’est qu’à ce stade du projet, on ignore tout ou presque du nucléaire, et il faut se montrer à la fois précis, inventif, débrouillard et visionnaire.
Pas évident, d’autant plus que la bureaucratie s’accommode mal de la liberté de penser de ces créatifs débridés, partagés entre la passion du challenge et la prise de conscience que leur œuvre pourrait signer la fin du monde. Chercheurs avançant à l’aveugle, surveillance de l’armée, familles livrées à elles-mêmes, moyens réduits, les coups de pression ne manquent pas dans cet univers larvé où tout le monde espionne tout le monde. Et pas que les nazis.
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Une course frénétique
Le géant russe de même que les Anglais sont très intéressés par ce « gadget » qu’il conviendra de détenir si l’on veut peser lourd dans le monde à venir. C’est la logique de Guerre Froide qui se dessine lentement, mais sûrement dans les laboratoires de La Colline, entre amourettes sans lendemain, passions homosexuelles, rumeurs et jeux de pouvoir. La délation va bon train et les Américains n’hésitent pas à questionner rudement ceux qui désobéissent, quand ils ne les internent pas carrément dans des camps. Ou s’en débarrassent définitivement.
Si les personnages façonnés par Shaw sont pour la plupart fictifs (excepté Oppenheimer, leader du projet Manhattan qu’on voit apparaître tout au long des deux saisons), ils n’en demeurent pas moins crédibles et attachants, par leurs doutes, leurs convictions, leur engagement, leurs faiblesses comme leurs forces. Et leur passion devient communicative tandis qu’ils cravachent pour résoudre cette énigme physique de l’atome, qui focalise leurs envies, leurs espoirs. Leur errance aussi tandis qu’ils se font dévorer petit à petit par cette démesure. C’est une course poursuite frénétique que nous suivons donc, où l’espionnage et l’ambition s’invitent régulièrement pour redistribuer les cartes de destins bien fragiles.
Beaucoup de questions émergent en lien avec la problématique éthique : comment rester juste et droit quand on affronte un ennemi pareil, sans foi ni loi ? Le peut-on ? Le doit-on ? Comment résister ? Comment agir sans détruire ? Que faire quand on pressent que cette arme épouvantable risque d’entraîner la domination absolue de celui qui la possède sur le reste de l’univers ? La responsabilité des scientifiques est bien sûr engagée, mais comment se montrer juste à l’égal d’un Dieu quand on n’est qu’un homme, aussi génial soit-on ? C’est l’apanage de Manhattan que de souligner ce débat cornélien, en le situant dans son contexte d’origine mais sans l’y enfermer. De quoi donner à réfléchir aux éventuels initiateurs de la bombe de demain.
Et plus si affinités
Vous pouvez visionner la série Manhattan en VoD.