Norvège : le gouvernement écologiste fraîchement élu décide de stopper sa production de pétrole et de gaz au profit de centrales au thorium. À peine sa conférence de presse terminée, le premier ministre est enlevé en hélico par un commando armé. On le retrouve quelques heures plus tard, complètement hagard… et décidé à faire marche arrière. Quitte à ce que ses collègues, ses partisans, son armée, son peuple ne comprennent rien à cette volte face, la qualifient de lâcheté. Et pourtant avait-il une autre solution, quand il vient de se mettre à dos la Russie, vengeresse d’une Europe peu satisfaite d’avoir à lâcher le juteux marché des énergies fossiles ? Voici le pitch de départ de la série Occupied. Et il va falloir 3 saisons pour dénouer cette épineuse situation.
Suspens diplomatique
Les différents chapitres de cette saga politique s’appuient sur l’idée originale d’un Jo Nesbø rompu aux polars psychologiques alambiqués. Il revient cependant à Erik Skjoldbjærg et Karianne Lund de dérouler les épisodes de cette geste norroise postmoderne dans un climat de tensions à couper au couteau, un véritable suspens diplomatique qui en dit long sur les enjeux géopolitique de notre siècle. Il n’y a pas à dire, l’énergie propre de Jesper Berg, ses petits camarades de l’UE n’en veulent pas, encore moins ses voisins russes. Les premiers vont lâcher les seconds sur ce pays qui n’a pas les moyens militaires de faire face.
Il va donc falloir composer, négocier, être dans la concession, tandis que les ressortissants slaves, simples ouvriers, militaires, agents secrets ou oligarques, débarquent sur le territoire pour s’y implanter. Occupied 1, 2 et 3 prend alors tout son sens… et rappelle de bien sombres souvenirs datés des années 40, mais toujours valables quand un pays en envahit un autre. Que faut-il faire ? Résister ? Par les actes ? Par la violence ? Collaborer ? S’entendre pour éviter le pire ? Dès le premier épisode, la partie d’échecs est engagée, complexe, retorse. Manipulations, pressions, tractations, chantages … tandis que les responsables politiques s’affrontent, les quidams survivent.
Les mécanismes de la real politique
Pour incarner cette population, des figures emblématiques, un garde du corps, une directrice des services de sécurité, une restauratrice, un journaliste, un hacker, une ambassadrice, une chef de cabinet, sa mère malade, une juge, des enfants, des soldats… tous se retrouvent impliqués, obligés de choisir, d’évoluer. Difficile de ne pas s’identifier. Et d’admettre qu’il est dur de se positionner fermement quand la menace d’un conflit sanglant pèse dans l’air, quand il est enclenché, quand il s’agit également de sortir de la crise. Conçu comme un véritable calendrier politique depuis les premières heures de l’invasion jusqu’au moment de la recontruction, Occupied déroule une leçon de diplomatie, démontrant que les choses sont beaucoup moins simples qu’il y paraît, que les leviers d’influence sont tous plus opaques, les enjeux énormes, les retombées gravissimes.
Et que dire des renversements d’alliance, des coups fourrés, des actions immorales ? Du Machiavel pur, une application sans pitié des préceptes énoncés dans Le Prince. Bref avec intelligence et un sens particulièrement aigu du tempo et du suspens, la série norvégienne tient son public en haleine à partir d’une intrigue qui s’enracine profondément dans l’actualité. Les mécanismes de la real politique sont mis à découvrir avec intelligence, tandis que le spectateur ressent un malaise croissant. Impeccablement interprétée, tournée dans des paysages, des décors impressionnants, on y retrouve un peu de l’esprit des drames historiques de Shakespeare, de ses tragédies romaines, avant de se rappeler qu’il s’agit de noter présent… et peut-être de notre futur ?
Et plus si affinités