Il n’y a pas à dire, Netflix sait y faire pour attirer le chaland. Avec un sens prononcé du spectaculaire et du timing. Dixit la série Pandémie aka « Pandemic: How to Prevent an Outbreak ». Tout un programme ! Quant à la date de sortie, il faudra interroger les capacités médiumniques de la communication netflixienne, car les six épisodes composant ce documentaire ont été mis en ligne en janvier 2020, pile poil au moment où le coronavirus se répandait allègrement à la surface de notre belle planète, avec le résultat que l’on connaît désormais et qui, vous en conviendrez du fin fond de votre confinement, n’a rien de glorieux.
Traque anti-virale
Objectif des productrices Elena Sorre et Veronika Adaskova : mettre en lumière les rouages de la traque anti-virale opérée par vétérinaires, scientifiques, chercheurs et médecins aux quatre coins du globe. Qu’il s’agisse de grippe classique, aviaire, porcine, ebola et autres saloperies dont la nature nous gratifie pour l’avoir trop pénétrée de force avec nos grands panards de conquérants indélicats. Résultat : une petite contamination entre une chauve souris et un canard, un vol migratoire, éventuellement un pangolin qui passe par là, et bim, qui est-ce qui se retrouve à cracher ses poumons et sa vie sur un lit d’hôpital sous équipé par manques de moyens ? Le vulgum pecus pardi !
Petit peuple crevant de faim ou presque, qui ne peut arrêter de taffer, se rend aux urgences quand les tisanes ne suffisent plus à calmer ses quintes de toux, et se retrouve au plumard sous assistance respiratoire quand ce n’est pas dans un cercueil, dixit la grippe espagnole dont le souvenir inaugure les premières minutes de cette saga. Ça te rappelle quelque chose, lecteur ? Accroche-toi, les six chapitres de cette course contre la montre vont secouer le peu de certitudes qu’il te reste. Car la chasse au virus est un sport international qui demande de l’argent, argent dont nos puissants sont avares.
Système D
Anticiper plutôt que soigner ? Pas rentable. Donc on laisse faire, on file un peu de budget de ci de là, histoire de dire qu’on fait quelque chose. On laisse les spécialistes comme les généralistes se démerder en première ligne, système D et à la grâce de Dieu qui demeure le seul secours moral dans cette navrante débâcle. Débâcle qui se concentre sur le sort d’une toubib américaine confite en dévotion, d’un médecin indien obsédé par son taff, d’un startupeur convaincu de trouver un jour le vaccin universel, d’une épidémiologiste qui prépare les soignants à l’apocalypse qui vient.
Car, quand ces séquences sont tournées en 2019, tous savent qu’une épidémie va arriver. Ils ne savent pas quel sera exactement le mal, quand il frappera et qui il emportera mais ils savent que c’est inéluctable. Et qu’ils ont beau travailler d’arrache-pied, personne n’est prêt pour stopper cette marche à la mort. Pas de moyens, pas d’équipements, trop de sources potentielles, de spots à checker, des finances qui se réduisent à vue d’œil, des hôpitaux qui ferment, laissant des populations entières démunies, sans aucun recours. En Asie, en Afrique, en Amérique latine … aux USA.
Anti-ruissellement coupable
Oui vous avez bien lu et vous le constaterez de vos yeux en visionnant ces images désolantes, les USA, 1ere puissance mondiale, 18 861 milliards de dollars de PIB en 2016, des milliardaires en pagaille et un système de santé digne d’un pays du tiers monde. Une honte doublée d’une tragédie que nous voyons maintenant se dérouler sous nos yeux. L’annulation express de la contribution américaine à l’OMS, annoncée en grande pompe cette nuit par un Trump typique de cet anti-ruissellement coupable, confirme l’analyse du documentaire, et pose question sur la privatisation des systèmes de santé, dont chaque pays souffre aujourd’hui dans sa chair.
Qui sauvera le coup, permettra de faire avancer les choses ? De richissimes philanthropes comme Bill Gates dont nous voyons la fondation financer les recherches du startupeur chasseur de poly-vaccin ? On se doute que son geste n’est pas désintéressé, que dans cette partie d’échec sans fin, celui qui financera le bon traitement sera gagnant à long terme. S’il arrive à juguler d’autres ennemis : le doute de ceux qui n’ont aucune formation scientifique et préfèrent les gestes ancestraux, les superstitions, l’ego de ceux qui refusent d’être vaccinés parce qu’ils veulent qu’on respecte leurs libertés, se fichant éperdument au passage de la santé des autres, la misère qui poussent des milliers de personnes à fuir, risquant violence et maladie dans un périple qu’ils subissent plus qu’ils ne le choisissent.
Certains ont trouvé Pandémie trop long, mal ficelé, balançant entre raison et passion, émotionnellement trop riche quand on aimerait une enquête plus rigoureuse. Quid des pays européens, des laboratoires publics, quid du positionnement des dirigeants dont l’avis fait ici cruellement défaut ? Les manques sont là, mais l’ensemble demeure suffisamment édifiant pour être visionné et mis en parallèle de la crise actuelle. Pandémie : comment prévenir une contagion … c’est désormais trop tard, mais on ne dira pas qu’on ne savait pas.
Et plus si affinités