Juillet 2018 : nous chroniquons avec enthousiasme le livre Tokyo Vice, trépidant récit des aventures journalistiques de Jake Adelstein au pays du Soleil Levant. Quatre ans plus tard, voici Tokyo Vice version série télé portée par HBO Max en première ligne de la guerre des plateformes de streaming.
Comment flirter avec le désastre
Les huit épisodes de cette première saison qui en appelle déjà une suivante (merci le cliffhanger des dernières minutes) posent le cadre : un jeune Américain sorti de sa province pour se parachuter dans les rues tokyoïtes et rejoindre le staff du Yomiuri Shimbun, LE grand journal nippon par excellence. Un exploit en soi dans un pays où les gaijins peinent à s’intégrer. S’intégrer, Jake Adelstein va y parvenir, très au fait des codes de communication japonais, même si son côté chien fou yankee l’amène régulièrement à flirter avec le désastre.
Et des causes de désastre, on n’en manque pas dans cette cité fascinante, mais dangereuse, où modernité et tradition se mêlent, où les apparences de politesse et de respect sont particulièrement trompeuses. Une police inefficace, gangrenée par la corruption, des yakuzas tout-puissants aux méthodes ignobles, des guerres fratricides entre gangs, des politiciens dépassés quand ils ne sont pas complices : Idem pour les médias et les journalistes, coincés entre soutien au système et quête de sensationnel.
Quand les jeunes veulent bouffer les vieux
Intégré dans une équipe rédactionnelle menée d’une main experte par une rédactrice en chef de talent, Jake tente de faire bouger les lignes. Pas évident quand le format des articles est imposé, les news filtrées, les infos censurées, les articles refusés ou relégués en dernière page. Du coup, Jake (Ansel Elgort) va développer les contacts pour chasser le scoop, et cela va le placer dans de très fâcheuses positions. Car il ne fait pas bon flirter avec les yakuzas, ni avec leurs petites copines, ou avec le seul flic intègre de la ville (Ken Watanabe).
Bref, Jake va se retrouver dans la panade. Tout comme Samantha (Rachel Keller), une compatriote au passé trouble, devenue hôtesse, désireuse d’ouvrir son propre bar et prête à tout pour ça ; ou Sato (Shô Kasamatu), aspirant yakuza bien plus tendre et émotif qu’il y paraît. Et tous les autres, car tout le monde à Tokyo a quelque chose à cacher, surtout quand les jeunes, avides de changement et de pouvoir, décident de bouffer les anciens et leur code d’honneur. L’atmosphère est donc à la tension, une violence larvée qui explose en mode éruption volcanique à la moindre secousse.
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Un climat de stress permanent
Pour restituer ce climat très particulier, il fallait un spécialiste. C’est Michael Mann qui s’y colle, comme producteur. Le réalisateur de La Forteresse noire, Heat et Le dernier des Mohicans sait y faire quand il s’agit de créer une ambiance à couper au katana, où l’action est là, même quand il ne se passe rien, parce que les personnages piaffent d’impatience, n’en peuvent plus de se retenir alors qu’ils savent pertinemment que le moment n’est pas venu d’intervenir. Suspense lourd, constamment, même quand rien ne semble se profiler à l’horizon.
Les néons multicolores, l’alternance des quartiers branchés et des rues de la vieille ville, la confusion entre le hype à la nippone et la quiétude séculaire, la fragilité de la vie dans cette ruche gorgée de sève et de richesses, tout cela explose en scènes d’une très grande violence, des confrontations brutales, des rapports de force extrêmement rudes qui se dévoilent soudain, quand on s’y attend le moins, d’où un climat de stress permanent qui avale le spectateur. Difficile de regarder ces séquences sans se demander ce qui va advenir de héros dont on voit qu’ils vont droit aux emmerdes.
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Résumons : adapter un bouquin comme Tokyo Vice est forcément une prise de risque. Néanmoins, la première saison de la série s’en tire plus qu’honorablement, arrivant à dicter sa rythmique, son esthétique tout en plantant des personnages attachants, car complètement paumés dans ce Japon coincé entre coutumes et obligation d’évolution. Nous sommes dans les années 90, une décennie clé dans l’essor économique et sociétal du pays, et cela se sent. À suivre donc, car l’intrigue est aussi très accrocheuse, et on aimerait bien savoir ce qu’il va advenir de Jake-San et de ses petits camarades de jeu.
Et plus si affinités
La série Tokyo Vice est disponible sur la plateforme Canal +.