Par un clair et froid matin d’hiver, Stephen Morton sort de chez lui après avoir abattu sa mère impotente et son chien. Il va alors tirer sur tous ceux qui croiseront sa route, avant de se donner la mort quelques heures plus tard. Nous sommes le 2 novembre 2011 et son geste va endeuiller le tranquille petit village côtier de Southcliffe. De cette histoire sordide, le scénariste Tony Grisoni et le réalisateur Sean Durkin tirent une mini série à la fois sombre, tragique et profondément dérangeante.
Tragédies en chaîne
Car tout reste à comprendre dans la folie de Stephen ; et les meurtres qu’il commet ne sont peut-être pas si hasardeux que ce qu’on voudrait bien croire : dans le lot des victimes, on trouve les proches de ceux qui l’ont un jour ou l’autre humilié. Ainsi le massacre perpétré va déclencher toute une série de tragédies en chaîne qui mettent brusquement en lumière la médiocrité et la lâcheté enracinées dans cette communauté d’apparence si paisible. Car tout microcosme a ses secrets, ses rites, ses hiérarchies : Southcliffe n’échappe pas à cette règle et Morton d’un regard froid va noyer ces faux semblants dans le sang.
Décomposition mentale
Diffusé sur Channel 4 en août 2013, ce mini feuilleton évoque irrésistiblement BroadChurch programmé quelques mois auparavant sur ITV. Mais si la série de Chris Chibnall tablait sur le très long récit d’une enquête policière complexe où les rebondissements sont multiples, Southcliffe se concentre sur un temps relativement court pour dresser un portrait peu amène de l’Angleterre profonde du début du XXIeme siècle. Lumières froides, teintes bleutées, les paysages sont d’une beauté sauvage qui rehausse la décomposition mentale de chaque personnage enfermé dans ses tromperies. A croire que c’est le village lui-même qui porte cette malédiction léthargique.
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Récits horrifiques
Habilement, le réalisateur laisse planer le doute, mélangeant les genres, englobant le suspens policier dans une atmosphère de drame familial qui rappelle celle d’un Mike Leigh avec Secrets and lies, dans l’angoisse fantastique d’une Emily Jane Brontë avec Les Hauts de Hurlevent.Remarquablement interprétée par des acteurs de très haut niveau dont l’excellent et terrifiant Sean Harris dans la prestation hallucinée de Stephen Morton, l’intrigue ne peut laisser indifférent, même si en substance il ne se passe que peu de choses. La narration éclatée alterne étapes de la tuerie et réactions des différentes personnes impactées. Pas de sang partant pas de voyeurisme, toute l’horreur se dégage des récits que chacun fait des exécutions.
Bouc émissaire
Nous sommes donc dans la dimension tragique pure, et l’on ne peut se résoudre à haïr ce tueur qui pourrait bien endosser les fonctions de bouc émissaire et de sacrificateur. Rien du reste n’affirme son suicide et le mystère reste entier sur sa disparition comme si il s’était volatilisé. Demeurent les questions, le chagrin et une détresse infinie du groupe soudainement obligé de se purger de ses frustrations et de ses non-dits. A ce niveau nous découvrons une écriture digne d’un Tchekhov, d’un Melville, une hybridation des styles qui prouve une fois de plus la maîtrise des Britanniques en la matière.
Et plus si affinités