Bien sûr, ce vendredi à la Manufacture CDCN Bordeaux, il y avait les accrocs d’une déclamation à parfaire, les tâtonnements des corps les soirs de première. Mais au fur et à mesure que la pièce se déroule, ROYAUME s’insère parfaitement dans l’œuvre humaniste d’Hamid Ben Mahi. Après avoir dénoncé la ségrégation, les conditions des sans-papiers ou encore revisité l’histoire franco-algérienne, le chorégraphe bordelais de la compagnie Hors Série se saisit avec sincérité, simplicité et en toute légitimé d’un sujet explosif. Un royaume comme une grenade.
Le courage de se raconter puis s’affirmer
Dans ce royaume, elles sont six reines. Yvonette, qui a dû combattre père et frères pour s’émanciper, Viola, l’italienne qui a bravé la solitude d’une vie parisienne, Céline dont l’histoire familiale est frappée par des viols de mère en fille, Sandrine qui chérit sa grand-mère courage, ouvrière agricole dans des plantations antillaises. Mais aussi Nouna, dont le frère refuse qu’elle danse, ou encore Elsa, ex-anorexique qui craint toujours l’agression masculine.
Dans ce royaume, l’homme a trop longtemps été le prédateur. Il n’y a qu’à voir comment se meuvent ces femmes, aux aguets et à tâtons, dans la blancheur clinique du plateau. Mais il faut que ça cesse. Des décennies déjà que des voix s’élèvent – Simone Veil et Françoise Giroud en tête. Leurs mots résonnent ici et donnent le courage de se raconter puis s’affirmer. Comme en terre inconnue, propulsées sur une autre planète, les six femmes revêtent un casque lumineux. Y trouvent-elles là l’oxygène nécessaire ou la suffisante lumière à leur émancipation ?
Les échos d’un empowerment mondial en cours
En même temps qu’elles dispersent du sable ocre (granulat de caoutchouc pour terrain de tennis) sur un plateau qui prend couleur et chaleur, mimant par là même l’acte de semer qui se reflète dans les lumières du plateau, nos reines savent que ce geste ré-active la mémoire, encourage la parole. Elles se font dès lors plus combatives, crispant leurs poings.
Sara, précurseur, prend la parole et plus rien ne sera comme avant. Sur ce sol où s’entrelacent les sillons de parcours accidentés, les interprètes incarnent leur libération puis liberté. Les pieds frappent fort le sol pour imposer présences et échos d’un empowerment mondial en cours. Les cheveux se lâchent et s’exhibent fièrement. Une (r)évolution est en marche.
Le collectif et l’individu
En amont de la création de ROYAUME était présentée, à la Manufacture CDCN Bordeaux, l’étude Les danseurs HIP HOP : trajectoires, carrières et formations réalisée par Aurélien Djakouane et Louis Jésu. Celle-ci n’a de cesse de pointer, quelles que soient les générations ayant façonné l’histoire du genre, les liens indéfectibles qui unissent le collectif et l’individu.
ROYAUME en est la parfaite illustration. Nos reines font bloc tout en préservant chacune leur belle singularité. À Viola les ondulations délicates, à Sara et Yvonette l’expressivité volcanique, à Elsa la justesse de toutes les intentions… Et toutes ensemble, la puissance d’une sororité.
Et plus si affinités
Pour en savoir plus sur Royaume, consultez le site de la Manufacture CDCN Bordeaux.