Pas évident de se laisser aller à un énième papier sur Star Wars après un tel déferlement de commentaires, avis de spécialistes, et autres opportunités journalistiques dérivées. Plus de quinze jours après sa sortie mondiale, étalée sur un long week-end et avec des records pulvérisés, en cours ou à venir, il faut reconnaître que la découverte de ce nouvel épisode a été une vraie joie de spectateur, de cinéphile, de fan. Un inévitable coup de blues via SMS, sur le ressenti, qui penche parfois vers la déception, chez nos amis, proches ou concernés. Et un mystère de cinéma, autour de J.J. Abrams, qui reste entier.
Les premières impressions au sortir du Réveil de la Force, demeurent aujourd’hui intactes : une sensation de grande vitesse tout en trouvant parfois le temps un peu long. Un apprentissage visuel éblouissant de la découverte des nouvelles planètes et personnages de la franchise. Qui passe, entre autres, par un soin assez exceptionnel apporté aux décors et paysages de l’univers. Un scénario très critiqué, qui ose pourtant la pâtisserie feuilletonesque propre aux serial cités par George Lucas. Laissant loin derrière le péplum politique (la prélogie) ou la récupération cynique d’une saga sous un masque d’artisan stylé maniant tous les degrés de lecture (la routine des projets sf/fantastiques à Hollywood, ces dernières années, à quelques exceptions près).
Les 2h15 de ce chapitre ressemblent à un coffre, pour ne pas dire un trésor d’entertainment (qu’on traduirait bien pour l’occasion par « art de l’éphémère ou de l’instantané »). Un tissu d’aventures, dont l’étoffe principale ou plus simplement le cœur du film, pourrait bien se trouver lors des séquences avec la pirate Maz Kanata (Lupita Nyong’o). Passage obligé de motion-capture, souvent à la limite du grotesque, pour un blockbuster, transformé ici en épisode palpitant à lui tout seul.
Ce personnage devenu culte en quelques jours chez les fans de la série, semble rassembler autour d’elle les qualités de J.J.Abrams. Une humble fascination pour des énigmes encore et toujours inédites, et la faculté de relancer une intrigue, en impliquant le spectateur d’aujourd’hui, qu’on croyait revenu de tout : des coups de théâtre des séries télévisées comme de l’histoire des effets-spéciaux au cinéma. Maz Kanata, n’est pas Jedi et a quelque chose à confier à Rey, la nouvelle héroïne de Star Wars. Mais son apparition, la profondeur de son personnage et la mise en scène qui l’accompagne représentent peut-être l’étape reine et décisive de notre adhésion ou non, spectateurs adultes et mortels, à cette nouvelle trilogie.
Le Réveil de la Force n’est pas le chef d’oeuvre d’Abrams, peut-être parce que le film n’est pas parfait, paradoxalement plus inspiré par les racines familiales et fantasy de la saga que par sa dynamique purement spatiale . Parce qu’il reste aussi une commande et un chantier de production de luxe, où le réalisateur ne cherche pas à poser coûte que coûte sa griffe sur la légende. Mais cette mise à feu et ce décollage plus réussis que les meilleurs pronostics, confortent le réalisateur et scénariste dans un étrange statut hollywoodien, à la fois transparent et capable d’impacts émotionnels. Avec, plus que jamais, de grands pouvoirs, mais encore au service d’immenses et redoutables studios.
Aucun spoiler ne peut aujourd’hui donner des indices sur le devenir cinématographique de J.J.Abrams, hors activité de producteur. Ce ne sera donc pas tout à fait un hasard si un suspense hitchcockien plane autant sur la suite de la trilogie que sur la destinée du metteur en scène.
Et plus si affinités