Sur The ARTchemists, il y a rarement de hasard. Aussi la mise en regard de ce report avec celui de la nouvelle expo Nuit installée dans les entrailles de la Grande Galerie de l’Evolution n’est en rien un accident ou une coïncidence du planning de publication. Quel point commun entre ces manifestations ? Les étoiles sûrement ? L’espace nocturne ? Non, non, ces deux parcours se rejoignent sur la question de la vulgarisation d’un savoir scientifique et sa transmission à un public néophyte. Avec Nuit il s’agit de découvrir les arcanes des mystères nocturnes, d’en comprendre les mécanismes, les rouages physiques et biologiques. Avec Star Wars – Identities, il est question d’interroger ce qui détermine l’homme.
Star Wars mais pas que …
Et là, surprise de la part des fans venus à la Cité du cinéma pour en savoir plus sur la mythique tétralogie de Georges Lucas. Certes, l’expo présente quelques deux cents pièces de collection tirées des différents épisodes de la saga, depuis les maquettes des vaisseaux de combat jusqu’aux costumes et masques ou casques en passant par les gravures et plans utilisés par les techniciens. Idem, l’animation audio que diffuse l’oreillette prêtée à chaque visiteur revient sur moult anecdotes.
Mais tout cela s’intègre au cœur d’un projet plus vaste visant à impliquer le spectateur dans un questionnement philosophique sur ce qui constitue l’individualité, avec trois thèmes majeurs : Origines – Influences – Choix, traités au travers de dix étapes : Espèce – Gènes – Parents – Culture – Mentors – Amis – Evènements – Occupations – Personnalité – Valeurs. Ces dix étapes dictent le parcours de l’expo et son agencement, pour un visiteur amené à questionner ces sujets à partir de son expérience personnelle.
La question de l’identité ?
Interactive, l’expo multiplie les panneaux d’information appuyés par les explications audio et des bornes où l’on répond à des situations précises en référence à celles développées par les personnages de la saga, plus spécifiquement Luke Skywalker et son père Anakin. Problématique de base : pourquoi ces deux héros, issus du même sang, du même milieu social, de la même planète, du même environnement géographique et climatique, qui suivent des formations similaires, prennent-ils des voies opposées ?
Le Bien, le Mal : Luke vs Dark Vador. La question de l’identité est posée, qui constitue le fil rouge de l’expo, alimentée par la genèse complexe des personnages de Lucas. Comme travaux pratiques et mise en application des données diffusées, on nous propose de développer notre propre avatar dont le profil construit réponse après réponse dans notre bracelet magnétique est collecté au terme du parcours, pour nous être ensuite envoyé par mail.
Une démarche scientifique ?
C’est là l’astuce, la botte secrète de X3 productions, agence canadienne à l’origine de cette expo réalisée en collaboration avec Lucasfilm Ltd., Lucas Cultural Arts Museum, le Centre des sciences de Montréal et un comité de conseillers scientifiques, composé de généticiens, neuropsychologues, biochimistes issus en partie de l’université de Montréal : s’appuyer sur le mythe Star Wars pour ouvrir les arcanes de la science au public.
Vulgarisation donc, prise de conscience des forces qui nous guident, nous déterminent. Les mécanismes d’élaboration de la fiction deviennent le miroir de la réalité, la manière dont Lucas a façonné ses personnages un prisme de la façon dont tout individu modèle sa vie … ou la subit. Et c’est là que le bas blesse, considérablement, dans ce travail de vulgarisation certes louable mais parfois glissant.
Identities : limites et fragilités ?
Glissant car l’expo brouille assez souvent fiction et réalité, mélangeant à l’envi gestation des figures du film et questionnement philosophique, multipliant les tentatives d’identification de visiteurs, parfois très jeunes, dans un jeu de rôle quelquefois dérangeant, surtout quand on touche aux questions de génétique et de sélection naturelle. La chose peut s’expliquer car à la base Star Wars Identities a été conçue par des professionnels canadiens pour un public canadien, dans un paysage culturel spécifique où l’acquisition du savoir et les processus éducatifs diffèrent du système français.
Pourtant Star Wars n’est pas sans rappeler la saga des Rougon Macquart et le projet naturaliste de Zola, qui déjà interrogeait la notion de déterminisme social, en s’appuyant sur une théorie scientifique. On sait par ailleurs que la tétralogie évoque la tragédie des Atrides et le principe des grandes tragédies grecques qui questionnent également ce qui détermine l’individu. Les passerelles étaient donc nombreuses pour développer cette thématique sans pour autant flirter avec un discours ambigu, qui pourrait évoquer celui de Un monde parfait de Aldous Huxley.
Néanmoins le concept est intéressant, et ne demande qu’à être approfondi et amélioré. A suivre donc, car n’en doutez pas, ce genre d’expo va progressivement se généraliser.
Album photos de l’exposition par The ARTchemists
Et plus si affinités