Blake Neubert, Nychos, Sarah Leonard, Juana Gomez, Lise Meunier, Catherine Noury, Emil Melmoth… ce n’est pas la première fois que nous évoquons dans nos articles la prolixité de l’art anatomique et ses dérivés. Ou quand le corps humain et ses mystères inspirent les artistes de tous bords et de toutes tendances. Depuis des siècles, cette discipline accompagne les premiers pas des dessinateurs (apprendre à dessiner le corps est une matière exigeante) et progrès de la médecine (ah les planches de Léonard de Vinci détaillant nerfs et muscles), poétise le regard scientifique tout en effarant les foules. Car révéler l’intérieur de l’être est tabou autant que fascinant. C’est encore vrai à ce jour, en témoignent ces quelques exemples, fort talentueux.
Ipikan
Originaire de Montpellier, Ipikan s’est fait une spécialité des anatomies brodées. Sein, cerveau, colonne vertébrale, utérus, cœur, aucune partie du corps n’échappe à la finesse de ses points, à la précision de son aiguille. On appréciera tout particulièrement le choix des couleurs, la manière dont chairs et végétaux se mêlent, rehaussés de fils dorés et de paillettes comme des pièces d’orfèvrerie. Planches anatomiques précieux, bijoux singuliers, les créations d’Ipikan ont tout pour séduire, faire réfléchir et rêver à ce mystère intérieur qui tous nous occupe.
https://www.instagram.com/ipikan/
https://www.etsy.com/fr/shop/IPIKAN
Forms Most Beautiful
C’est sous cette appellation qu’Amy Salomone opère sur Instagram pour mettre en avant des collages d’une très grande beauté, où les secrets de la vie éclatent au regard en couleurs flamboyantes, dans des compositions baroques en diable où les viscères du David de Michel-Ange, dialoguent avec les muscles faciaux de la Vénus de Botticelli. Objectif de cette poésie visuelle : partager des concepts scientifiques d’une façon à la fois poétique et esthétique.
https://www.instagram.com/forms_most_beautiful/
https://linktr.ee/formsmostbeautiful
Axelle Kieffer
Peintre et collagiste, la strasbourgeoise Axelle Kieffer, désormais résidente aux USA, excelle dans les compositions organiques hautement surréalistes. Ses compositions ont tout de la créature de Frankenstein version conte de fée, avec de temps à autre un pénis coquin qui se glisse entre deux bouts d’intestins pour transformer le bas-ventre en récif de corail, en bouquet floral éclatant, en insecte fantaisiste. Étrange, merveilleux, ici, le corps se métamorphose, se recompose au gré des coups de scalpel taillant le papier.
https://linktr.ee/axellekieffer
https://www.instagram.com/axellekieffer/
Sara Illamas
Espagnole d’origine, italienne d’adoption, Sara Illamas se revendique comme une illustratrice spécialiste du medart. Chez elle, les vertèbres deviennent des vases à coquelicots, les poumons se transforment en ailes d’oiseaux, le cerveau est recouvert de sparadraps, l’utérus habillé de feuilles mortes… Pleine d’imagination, cette artiste pour le moins inspirée sait trouver les bonnes analogies pour rappeler que le corps humain fait partie du vivant et de la nature. Il nait, évolue, vieillit, c’est un processus normal qu’il faut démythifier avec humour et douceur. Mission accomplie, chacun de ses dessins est un petit bonheur à déchiffrer.
https://www.instagram.com/saraillamas/
Sergio Damian Hernandez
Je me voyais difficilement clore ce listing non exhaustif composé de dames sans faire un petit détour par l’univers plus masculin de Sergio Damian Hernandez. Ici fini la poésie, on est ouvertement dans le macabre et le morbide, ce qui est aussi une facette de l’art anatomique, qu’on le veuille ou non. Ici l’art du collage permet de créer des patchworks organiques proprement horrifiques qui mettent en avant l’humanité dans ce qu’elle a de plus fragile : la maladie, le handicap… Noter corps sera notre perte. Nés de la poussière, nous redeviendrons poussière mais avant notre personne se disloquera. Dérangeant car transgressif, Sergio Damian Hernandez nous secoue la psyché en fouillant das nos tripes ; ses créations sont sales, vomitives, terrifiantes. Elles reflètent la violence de la vie. C’est peut-être pour cela qu’elles nous fascinent malgré tout.
https://www.instagram.com/sergiodamianhernandez/
Une thématique qui plaît et qui mérite d’être explorée
Douceur, poésie, étrangeté, brutalité, certains optent pour une approche fantaisiste, d’autres pour une vision coup de poing. Dans tous les cas, l’art anatomique, qu’il soit volonté d’éduquer, de faire rêver, d’exprimer ses peurs ou de choquer, joue avec nos rêves et nos angoisses. Et cela plaît. Les quelques artistes que nous venons de citer ne doivent pas faire oublier la visibilité du thème, perceptible via le succès des hashtags dédiés sur Instagram :
- #anatomyart = 263 424 publications
- #anatomicalart = 54 328 publications
- #medart = 34 482 publications
Sans compter les pépites qui se cachent dans des thématiques plus larges :
- #anatomie = 137 157 publications
- #anatomia = 1 388 676 publications
- #anatomy = 4 552 123 publications
En un mot, il y a de quoi prospecter pour les amateurs comme pour les néophytes. Et puis, il y a les comptes spécialisés qui traquent les créations anatomiques et le medart au fil des siècles. Citons, entre autres :
- Codexanatomicus : https://www.instagram.com/codexanatomicus/
- Theangleofview : https://www.instagram.com/theangleofview/
- Morbidanatomy : https://www.instagram.com/morbidanatomy/
Le travail de curation effectué par ces passionnés permet de mettre en avant des artistes spécialisés, ainsi que des jeunes pousses qui ne demandent qu’à grandir, dixit la designeuse et marionnettiste Marion Mille ou Hyperven_tilation qui s’adonne à l’IA art, domaine très prometteur en ce qui concerne l’art anatomique. En résumé, l’art anatomique n’a pas fini de nous étonner, de nous effrayer et de nous séduire !
