Depuis les années 70 qu’elle opère sur le large champ des arts visuels, Tania Mouraud a su imposer sa perception, ses interrogations, ses refus. Alors qu’elle entoure le MAC Val de ses calligraphies étirées dans la perspective du festival Mur Murs, c’est à l’intérieur des parois vitrées du complexe qu’elle abrite le magistral Ad Nauseam.
Ad Nauseam : trois vidéos projetées en boucle, réalisées avec l’IRCAM, des plans de plus en plus rapprochés qui filment le supplice sans fin de livres soumis au martyre du pilon. Des centaines, des milliers de livres, déchirés, éventrés, réduits en lambeau. Scruté sans émotion, sans arrêt, sans répit. Dans un vacarme infernal de machines également enregistrées en boucles sonores qui soulignent ce massacre tranquille et régulier de l’intelligence et du savoir.
Pour accueillir cet holocauste, la grande salle d’exposition temporaire du MAC Val, 1200 mètres carrés plongés dans les ténèbres, qui absorbent le spectateur éberlué par la violence du propos. Car ces images réveillent d’autres clichés, d’exterminations, de génocides, de pelleteuses soulevant des montagnes de corps désarticulés, sacrifiés à la folie humaine. Car des autodafé de Nuremberg aux fours crématoires d’Auschwitz, il n’y eut qu’un pas, les premiers prophétisant les seconds.
Un être qui détruit le passé, la mémoire, le souvenir, se prive de son avenir, de l’arme éternelle de la culture et de la connaissance. A l’heure de l’impérialisme numérique, de la dématérialisation des contenus, la menace est grande de nouveaux bûchers, si faciles à allumer puisqu’il suffit d’une déconnexion pour tout perdre. Dans le flux ininterrompu de l’information ad nauseam, le vrai se perd, autre forme d’oubli. Sans ménagement aucun, Tania Mouraud nous le rappelle avec force, nous laissant hagard et en deuil, impuissants.
Et plus si affinités