Taxi-Girl 1978-1981 : « Nous avions tout pour nous, mais tout nous manquait. »

Oyez, oyez, braves gens, la chronique d’une tragédie musicale des temps d’à peine jadis, quand l’insouciance était faussement dans les cœurs, camouflant une profonde détresse en germe et le non-sens de l’existence. Le rock alors prenait des nuances synthétiques après le jaillissement spermatique du punk, une grande giclée dans la galaxie artistique, mais quelle giclée ! Dans son sillage fleurirent des groupes emblématiques dont certains survécurent, d’autres pas : Taxi Girl fait partie des disparus au champ d’honneur, éphémère pour mieux devenir mythique.

Le gâchis d’un rêve

C’est cette légende dont Mirwais décortique la genèse dans une prose hallucinée et asphyxiante, au fil des pages de ces mémoires. Et il sait de quoi il parle, vu qu’il fut le fondateur de ce groupe maudit à la trajectoire d’étoile filante, aux chansons érigées en hymnes de noirceur par les enfants du dark. Dark justement, Daniel, chanteur charismatique, rongé de came, à la poésie corrosive, au phrasé désincarné, ange destructeur et paumé, au même titre que Pierre, Laurent, Stéphane. La drogue et l’ennui les emporteront, agneaux perdus dans la bergerie d’une industrie musicale qui va les écorcher sans pitié.

Cela, Mirwais le raconte aussi, avec une amertume toujours vive, des regrets, peut-être aussi des remords. Une forme de fatalité également, de l’incompréhension qu’il cherche à dissoudre tandis qu’il égrène des souvenirs peu agréables. Car l’épopée de Taxi-Girl ne fut pas une partie de plaisir : les affrontements, les coups bas, les trahisons furent monnaie courante, accouchant de querelles musclées, de fric et de gonzesses qu’on se pique, de railleries mordantes, de mépris immatures et d’ironies fielleuses. Mirwais n’en cache rien, évoquant par ailleurs son dégoût face au gâchis d’un rêve.

Le socle d’un parcours d’artiste

Car ce groupe, il en rêvait, c’était pour lui une porte de sortie, une échappatoire, une voie parallèle vers l’émancipation : fuir ses origines, la platitude de la vie, le manque de perspectives, d’ambition. Des diplômes, un job, une femme, des enfants, une maison, des traites… très peu pour lui. Son truc, c’était jouer de la guitare. Pas l’instrument le plus mis en avant dans l’univers mélodique de Taxi Girl saturé par le Farsifa de Laurent Sinclair, mais un élément essentiel d’une configuration sonore beaucoup plus structurée qu’il y paraît. Configuration dont Mirwais dissèque les méandres en expert, rigoureux et poétique à la fois.

Ce récit n’est que le premier temps d’une geste à venir. Il y aura un après Taxi-Girl, des albums solos, une carrière de producteur féconde, la naissance d’un attrait pour l’écriture narrative. Mais l’aventure vécue à 100 à l’heure de 1978 à 1981 constitue un socle, douloureux mais solide, à ce parcours d’artiste. Il sert aussi de berceau à d’autres projets devenus incontournables de la scène rock française : Indochine, Rita Mitsouko notamment promis à la longévité quand la formation de Mirwais s’effilochera à coup de came et de désillusion. Une « ardeur à l’autodestruction » qui restera à jamais dans les mémoires, gravée dans la texture de « Mannequin », « Cherchez le garçon », « Les armées de la nuit ».

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Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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