Et ça fait un bien fou ! Enfin des gens qui se décident à balancer un pavé dans la mare digitale pour mettre la start-up nation à poil ! Et démythifier ce Veau d’or qu’on adule partout, depuis les hautes instances économiques jusqu’aux écoles supérieures en passant par les banques, les business angels, les médias spécialisés ou généralistes. Sauf que voilà, la start-up a beau pivoter / scaluper / licorner, elle n’en demeure pas moins dans 80 % des cas un beau mirage scintillant qui finit en prout arc-en-ciel.
Faire du vent avec sa micro-queue
Il était temps que quelqu’un le dise haut et fort. Le collectif TechTrash a relevé le gant (dans le jargon communicant, on appelle ça « se challenger », non, ne pouffez pas, c’est vrai !) avec une newsletter bien sentie qui frappe fort tous les mercredis depuis … 133 numéros ! Ce qui fait deux ans à la louche. Deux ans à traquer l’auto-suffisance d’un milieu imbu de lui-même, consternant de vacuité, prompt à crier à l’innovation devant des projets qui datent, à s’arroger des succès qui n’en sont pas. Bref à faire du vent avec sa micro-queue.
Et ça, les rédacteurs de TechTrash savent très bien le mettre en évidence, numéro après numéro, avec un humour féroce mais juste car justifié. C’est qu’ils sortent du même panier de crabes, dont ils ont réussi à s’exfiltrer par miracle pour sonner la charge et prendre d’assaut cette forteresse de verre. En ciblant les bullshit-quotes, les citations pourraves dont les dirigeants/CEO et autres planners de tous poils ont la primeur, histoire de galvaniser leurs troupes de stagiaires crispés comme des extravagants (ah Baudelaire …) devant tant d’audaces.
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Hara-Kiri de la tech
Bref TechTrash déboule dans ce Landernau en mode chien dans un jeu de quilles, et c’est juste savoureux. « Bête et méchant », certes mais ô combien nécessaire comme feu Hara-Kiri. Quant à leur credo, ils le piquent à Beaumarchais : «Sans la liberté de trasher, il n’est point d’éloge flatteur ». Détournement du Mariage de Figaro, rien que ça … d’aucuns s’en amusent, trouvant la chose piquante, en aristocrates de la tech éclairés qu’ils pensent être. Ils devraient se méfier. La célèbre comédie constitue un des signaux pas si faibles que ça d’une certaine révolution française. Tech Trash a-t-elle la même portée ?
L’avenir nous le dira. Mais force est de constater que la réalité de la tech n’est pas si rutilante qu’on voudrait le faire croire. Le trop plein de news qui sclérose la toile, l’infobésité qui en découle font écran de fumée. TechTrash fait le tri dans tout ça, met le doigt sur les infos qui comptent, explore les coulisses de ce business. C’est un outil pédagogique essentiel, qui ne traque pas seulement les petites bêtes dont le social media regorge, mais s’applique à clarifier ce qu’on voudrait complexifier pour mieux le confisquer, en posant de vraies questions, du type « comment s’extraire des silos constitués par les réseaux sociaux ? ».
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L’absurde et le libertarien
Il s’agit aussi de dynamiter les events qui jalonnent l’année d’un startupeur en démontrant leur insuffisance, de cibler des news sympas ou pas, des outils qui font parfois froid dans le dos comme la logique qui en dicte l’élaboration : ainsi le programme mis en place par la ville de San Francisco pour analyser les datas de ses quelque 7000 sans abris tandis que les grosses firmes du secteur, installées à proximité, forment leurs employés au self defense. Le simple bon sens qui voudrait qu’on reloge ces pauvres gens, qu’on les aide concrètement ? Évanoui, semble-t-il … Et des exemples hors sol du même genre, Tech Trash les collectionne à la pelle.
C’est avec une délectation mêlée d’effarement qu’on découvre au fil des articles combien les chantres de la tech internationale planent haut dans une stratosphère qui flirte avec l’absurde et le libertarien. Pas forcément ce qu’il y a de plus rassurant, et le passage de la covid n’arrange pas la situation. On appréciera le bien-fondé de la stratégie TechTrashienne qui vise à la vulgarisation de savoirs pas si extraordinaires que ça, histoire de démythifier l’ensemble et de modifier les usages. La démarche fait mal, mais c’est un bien. L’humour ? Parlons carrément d’un cynisme salutaire qui gagne progressivement les esprits. C’est tant mieux. Les vrais ne s’y tromperont pas.
Et plus si affinités