C’était cette semaine sur France 2 (une rediff) et au terme de ce téléfilm réalisé en 2008, on se prend à imaginer la rencontre entre ces deux tempéraments :
Guy de Maupassant, plume émérite du réalisme, auteur de Boule de Suif, Une Vie, Bel Ami, Notre coeur, Fort comme la mort, Mont Oriol, … l’auteur des femmes, si proche de l’âme féminine et de ses complexités, de ses fureurs, de ses frigidités, de ses pudeurs, de ses courages, peu importe le statut social, pute, bourgeoise, noble, séductrice, candide …
Catherine Jacob, pulpeuse, élégante, maîtresse d’elle-même et de ses pulsions, posée, pleine d’humour et d’amour, le verbe haut mais délicat, cachant ses tendresses sous le mordant de l’ironie, moqueuse, croqueuse, dompteuse, humaine …
Oui ces deux là auraient fait un fort joli couple ; c’est d’ailleurs ce qu’ils font quand l’actrice rencontre et interprète Odile, l’un des personnages phares de la galerie d’héroïnes maupassantes. Odile, tenancière de bordel, sage, équilibrée et bonne commerçante, épanouie dans cette fonction qui lui offre une liberté rare pour ses contemporaines. Or Odile reçoit un jour un courrier : son frère, qui n’aime guère son activité et avec qui elle a rompu depuis dix ans, fait la première communion de sa fille. Marraine de la petite, Odile est conviée.
Pas vraiment de gaité de cœur, l’idée étant de capter l’héritage de la tante au profit de la gamine. Mais bon pour l’argent, on s’assoit sur ses principes. Pourvu que la tante se tienne sage pendant la messe et le repas, ça fera la blague. Sauf que la tante ne va pas débarquer seule, mais entourée de son pensionnat, 4 jolies filles récupérées dans les rues, qu’elle protège et drive en bonne patronne, qu’elle a embarquées pour éviter qu’elles ne saccagent tout en son absence, et qui auront toutes bien du mal à cacher leurs origines deux jours durant.
D’autant plus que ces dames aspirent à une honnête vie, vie qu’elles vont frôler du bord du jupon durant cette escapade champêtre qui va vite tourner au cauchemar et à l’amère déception. Et pourtant ces braves filles pas méchantes pour deux sous feront acte de joie et de piété, touchées en plein cœur par le sermon d’un curé réjoui par les pleurs de ces paroissiennes d’un jour.
La lecture filmée que la réalisatrice Elisabeth Rappeneau pratique de la célèbre nouvelle de Maupassant oriente résolument cette fable sociale du côté du féminin, gommant certains aspects du texte initial pour se concentrer sur des portraits de femmes et une réflexion évidente sur leur position dans un univers géré par le masculin. Féministe ? La scène où Loulou est agressée et violée par le paysan qui voulait l’épouser est sans équivoque à cet égard.
Les décors, les costumes sont superbes, Bruno Lochet parfait dans le rôle de ce frère qui sacrifie son affection pour sa sœur par peur du regard des autres, le tout est un sans faute, mais il y manque un petit quelque chose, cette ironie propre à Maupassant justement, cette observation sans parti pris, figure après figure (bien qu’interprétés par des acteurs de valeur comme Eric Métayer, les clients de Mme Tellier restent dans l’ombre, alors qu’ils sont pourtant essentiels dans la compréhension de ces filles). Seule à cadrer avec l’esprit, Catherine Jacob, au moment par exemple où elle affronte ce frère qui veut lui effacer fards et caractère. On aime, mais on imagine ce que cela aurait donné avec un Max Ophuls aux manettes comme parrain du binome Guy/Catherine.