Cette semaine, focus sur The Collection, série franco-britannique réalisée par Oliver Goldstick. Les huit épisodes de la première saison nous plongent dans l’univers des maisons de haute couture… au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. La plupart de ces institutions du luxe parisien n’ont pas survécu à l’Occupation, mais l’enseigne de Paul Sabine s’accroche coûte que coûte, peu importe le prix à payer, les bassesses à commettre, les mensonges à enchaîner, les ennemis à abattre.
Une famille dans la mode
Si le Diable s’habille en Prada, au terme de ces premiers feuilletons, on est en droit de se demander si les Borgia ne préfèrent pas Dior. Ou Givenchy. Car par certains côtés, la saga de la famille Sabine rappelle les coups bas typiques du tristement célèbre clan espagnol des Borgia, entre manigances, tromperies et meurtres ; mais elle se calque aussi souvent sur le parcours du grand couturier, dont le personnage de Paul Sabine, interprété par Richard Coyle emprunte la silhouette et les audaces, le côté mondain et l’élégante inventivité.
Un Paul Sabine qui a fort à faire pour driver son entourage, mère manipulatrice, frère rebelle, sans compter une épouse adorable mais trop parfaite, des mannequins qui se font une guéguerre de gamines pour savoir qui portera la robe de mariée dans les défilés, des clientes hystériques et capricieuses, des employées dont il faut réparer les écarts de conduite… Seul au milieu de ce troupeau de nanas, le pauvre Sabine doit trouver de nouveaux marchés dans une France qui se relève difficilement des années de conflit mais qui compte sur l’industrie du luxe et de la mode pour restaurer l’aura de la capitale.
Un univers en reconstruction
Entre anciens collabos qui font profil bas et résistants qui paradent leur foi patriotique, comment construire le monde de demain ? Comment revenir à la légèreté et l’insouciance quand les foules sont encore rationnées, ont faim et froid ? Comment retrouver une place à l’internationale quand on a été envahis pendant cinq longues années ? Et qu’on a dû pactiser avec l’ennemi pour survivre ? En tremblant désormais que ces alliances forcées soient mises à jour par des forcenés de la justice à tout crin, désireux d’épurer et punir, sans forcément taper là où il faudrait vraiment ? Comment manœuvrer quand en plus son soi-disant talent, on le tient d’un frère cadet génial, mais totalement ingérable ?
Vous l’aurez compris, The Collection nous parle avant tout de relations complexes dans un univers en reconstruction, où l’Amérique s’infiltre comme une puissance incontournable. La mode n’y est qu’un enjeu et un prétexte pour aborder une lente métamorphose des regards, des attitudes, des statuts : émancipation des femmes, mondialisation en devenir, émergences des médias et de la publicité, l’aventure des Sabine cristallise ce besoin d’innovation, dans une Quatrième République qui relance un pays dévasté. C’est le véritable intérêt de la série que de faire sentir cette urgence de renouveau. Si certains aspects de l’intrigue sont quelque peu éculés, on appréciera ce souci de réflexion plus vaste, portant sur la métamorphose d’une société.
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Images en demi-teintes où tranchent des couleurs plus soutenues, velouté des étoffes, des peaux et des teints, la photographie est importante qui évoque les clichés rétro des vieux magazines, tandis qu’on voit poindre l’ère des photographes modernes, des catwalks d’aujourd’hui. Si The Collection ne remplace en rien les magnifiques documentaires de Loïc Prigent sur le monde du stylisme, elle évoque le socle qui permettra l’émergence des grandes maisons d’aujourd’hui, leur logique, leur combat, dans une atmosphère vintage qui devrait en ravir plus d’un.