Enfin ! Enfin un film qu’il fait bon voir ! Bye bye comédies graveleuses pour ados boutonneux ou love stories sirupo-amoureuses, vampiriques sagas sans saveurs et toute la litanie des thèmes actuellement en vogue sur nos écrans.
Avec The Grand Budapest Hotel, c’est un cinéma en majesté qui revient sur le devant de la scène : car les aventures de Mr Gustave H., gardien de ce palace, et de son groom Zero, ont la fragrance distinguée et cocasse des comédies anglaises, Noblesse oblige, The Party, du Blake Edwards, un petit soupçon d’Agatha Christie, la préciosité d’un Hercule Poirot, la folie latente des Monty Pythons, un tourbillon vaudevillesque que Feydeau aurait goûté de même que Roald Dalh.
A l’origine du scénario de ce petit bijou, des nouvelles de Stefan Zweig qui ont inspiré Wes Anderson pour le meilleur, le meilleur et encore le meilleur, Wes Anderson qui construit l’histoire de cet établissement et de son illustre concierge comme un conte philosophique à la Voltaire, un roman picaresque signé Scarron, et emboite les narrations comme d’élégantes poupées russes autour de cette intrigue mêlant vol de tableau et meurtres dans une Europe au bord de l’implosion fasciste.
Même maîtrise dans la direction d’une brochette d’acteurs prestigieux qui place ce film dans la forte tradition de l’œuvre chorale à la Altman, avec comme front man absolument incroyable de détachement, de flegme britannique et d’ironie, un Ralph Fiennes brillantissime, flanqué d’un tout jeune Tony Revolori qui lui donne la réplique sans faiblir dans un duo de clowns burlesques d’une virtuosité sans pareil.
Ajoutez-y Tilda Swinton en veuve traquée, Adrian Brody en héritier manipulateur, Willem Dafoe en psychopathe à chaussettes, Edward Norton, Owen Wilson, Bill Murray, F. Murray Abraham, Jeff Goldblum, Harvey Keitel, Jude Law, … je ne peux tous les citer tant le casting est complet et riche … consultez l’affiche, c’est juste un bonheur ! Et pas une querelle d’ego parmi toutes ces stars qui se délectent et s’amusent comme des gamins dans cet univers fabuleux.
Car au finish le grand héros de cette fresque d’un autre temps, c’est ce bâtiment magnifique, perché sur son python rocheux au milieu des cieux, comme un paradis inaccessible, un écho heureux et inversé du sanglant Overlook Hotel de Shining. Un décor de théâtre aux couleurs éclatantes, où les êtres se découpent dans la géométrie des couloirs et des escaliers, comme des marionnettes, un espace mythique qui va se mourir au fil du temps, dans la décrépitude de ses stucs et de ses peintures, envahi de milliardaires, puis de nazis, finalement abandonné à l’ère communiste.
Un prisme des âges qui passent, des soubresauts de l’Histoire et d’un art de vivre qui se délite. Poétique, drôle, attachant et sensible, un peu dingue et bondissant, The Grand Budapest Hotel fait rire, rêver, frémir, en nous racontant simplement l’humanité dans ses lumières et ses noirceurs.
A voir. De toute urgence et pour notre plus complet plaisir.
Et plus si affinités