Il était une fois une petit bourgade paumée de l’Amérique profonde. Un jour, sans savoir pourquoi le petit couple tranquille des Douglas décide de se massacrer. Le shérif du lieu découvre leurs cadavres suppliciés dans une maison fermée de l’intérieur … et au sous sol à moitié déterrée au milieu de travaux de terrassement, le corps d’une superbe inconnue. Direct Melle Dupont alias Jane Doe file à la morgue des Tilden, légistes de père en fils, qui ont pour mission express de faire parler ce cadavre mystérieux. Voici le point de départ du huis-clos maléfique et trépidant intitulé très simplement The Jane Doe Identity.
Une simplicité de surface pour 1h27 d’angoisse intégrale et haletante, construite au rythme d’une autopsie qui prendra vite des allures de tragédie. Examen extérieur, observation du coeur, des poumons, des viscères, inspection du cerveau : s’appuyant sur les différents temps d’une expertise médico légale lambda, les scénaristes Richard Naing et Ian Goldberg, le réalisateur André Øvredal tissent la toile d’un piège diabolique actionné par une volonté vengeresse impitoyable dotée d’une puissance destructrice que rien ne peut endiguer.
En ouvrant la belle endormie comme une sardine, le tandem Tilden (excellents Emile Hirsch et Brian Cox) n’imaginent pas un instant la catastrophe qui va s’abattre sur eux. Nous découvrons l’ampleur du cataclysme tandis qu’ils recomposent le puzzle d’une existence martyre, dont l’exécution atroce n’a fait qu’engendrer les forces surnaturelles au lieu de les neutraliser. Ainsi l’approche scientifique, rationnelle, percute les croyances ancestrales, la magie séculaire, avec une violence incroyable, qui fait toute la valeur de ce film intense.
L’aura de ce récit tient par ailleurs à l’originalité du lieu dans lequel s’orchestre cette enquête : une morgue, confortable, accueillante, mais dont le caractère souterrain et labyrinthique va vite devenir étouffant, alors que les manifestations inexplicables se multiplient. Cadrages, traitement des lumières, des couleurs, … tourné à Londres dans un entrepôt converti pour l’occasion en institut médico légal, The Jane Doe Identity évoque très fortement l’esthétique de la mythique Hammer, le caractère claustrophobe du Répulsion de Polanski, la continuité de l’hystérique Sorcières de Salem de Miller.
Axe central de ce tourbillon fatal, Jane Doe trône sur sa table de dissection comme une victime sacrificielle … ou une déesse des ténèbres, avide et colérique. Nue, offerte, sans défense, cette fille mystérieuse et pâle découpée au scalpel est incarnée par Olwen Catherine Kelly, qui va se soumettre aux séances de maquillage du prothésiste Kristyan Mallett et aux longues périodes de tournage où immobile, elle se laisse éplucher sans un souffle. Il eut été plus simple de choisir un mannequin, mais la présence d’une entité humaine ajoute grandement au sentiment de malaise qui habite les premières scènes du film, qui va croître au fur et à mesure que l’on va vers le dénouement de ce thriller d’exception.
Après Ava’s Possessions, The Witch ou Get Out, The Jane Doe Identity confirme la longévité du genre horrifique, qui n’en finit pas de se renouveler de manière originale tout en respectant les codes d’un patrimoine anthropologique, artistique, scénaristique et filmique des plus riches. On appréciera d’autant plus que le recours au spectaculaire gore eut été facile, artifice que l’équipe du film évite avec pertinence pour proposer un suspens autrement plus pervers et efficace.
Et plus si affinités
http://thejanedoeidentity-lefilm.com