Oubliez la rouquine empoisonnée de Disney ; Stephen Chow, en s’emparant du conte d’Andersen, réalise une de ces fables déjantées dont il a le secret, mêlant comédie romantique, croyances asiatiques et kung fu aquatique dans une super production qui a scotché les orientaux dés la sortie du film. Il y a de quoi, The Mermaid s’offrant en plus du spectaculaire et de l’humour, le luxe de diffuser un discours écolo militant particulièrement poignant.
L’intrigue est bête comme chou : milliardaire issu de la misère, Liu Xuan ne jure que par l’argent. Richissime, sans scrupule, insupportable, il vient de jeter son dévolu sur les fonds marins, balançant à l’eau une armada de sonars qui bousillent flore et faune. Également décimés, sirènes et tritons ne l’entendent pas de cette oreille. Octopus le guerrier pieuvre mobilise ce qui reste de son peuple pour abattre ce danger public. Pour ce faire, il lui envoie la jolie petite Shan, qui au lieu de poignarder le félon, en tombe amoureuse. Et réciproquement. Seulement voilà, la régulière du monsieur, par ailleurs son associée, véritable peste avide et orgueilleuse, ne l’entend pas de cette oreille. Et la belle romance humano-aquatique de virer au bain de sang … sauf que non parce que c’est un conte, voyons !
Avec son humour parodique, son goût du délire et du grandiose, son sens du détail et de l’adaptation, Chow jongle entre mignonitude et action, rêve et cauchemar. La dernière scène où les sbires de la rivale, pécheurs, chasseurs et mercenaires, attaquent le refuge de Shan et ses proches, est juste grandiose et totalement insupportable, mettant en évidence la cruauté irresponsable de l’être humain face à son environnement. Lucide, le réalisateur a pourtant résumé l’équation : l’argent n’achètera jamais l’air, la terre et l’eau. Amoureux, le héros Liu Xan prendra conscience de l’enjeu … et on aimerait bien que le public en fasse autant.
Pertinent Chow tient là une astuce pour faire passer le message de manière musclée ; car si l’on peut détourner les yeux devant les massacres de dauphins, les flots rougis, la chair déchiquetée, on peut difficilement échapper au spectacle insupportable de ces créatures semi humaines brutalisées aveuglément, luttant frénétiquement sinon pour leur intégration, du moins pour leur survie. On rit à certains détails, cette sirène boulimique qui fait du skate, rebondit sur des ballons et chante faux … on s’amuse beaucoup moins quand on la voit traquée comme du gibier, poursuivie, harponnée, achevée à coup de bazooka, au terme d’une chorégraphie de combat digne des plus beaux films du genre …
Sacré plus grand succès de l’histoire du box-office chinois deux semaines après sa sortie en salle en 2016, The Mermaid a littéralement conquis le public, dans la continuité des géniaux Shaolin Soccer et Crazy Kung-fu. Fidèle au style qui a fait sa célébrité, Chow fait ici preuve de cette exigence qui depuis quelques années freine son rythme de production. Il réussit le pari de créer un film tout terrain, drôle et fou, coloré, chargé d’un regard critique et formateur. Il paraît que The Mermaid 2 est en chantier : n’attendez pas pour visionner le premier qui vaut son pesant de poissons.
Et plus si affinités