Profitant des Journées portes ouvertes proposée par la Philharmonie de Paris ce samedi 18 juin 2016, nous pénétrons d’un pas allègre et légèrement surexcité le majestueux bâtiment pensé par Jean Nouvel. Objectif et cause de notre joie : l’exposition dédiée à The Velvet underground. Tout comme la légendaire poupée Barbie, l’album à la banane (il ronronne en ce moment même à mes oreilles tandis que j’aligne ces mots) célèbre ses cinquante ans ; à l’image de la fameuse bimbo siliconée, il n’a pas pris une ride, s’offrant au passage le luxe d’une révolution culturelle dont le parcours conçu par Christian Fervet et Carole Mirabello se fait l’écho.
https://youtu.be/ZdCFWlLZ3b8
Avec justesse et un sens consommé de la synthèse. Contexte historique et sociétal sur fond de guerre froide, de luttes pour les droits civiques des noirs et de guerre du Vietnam, premiers pas du mouvement contestataire sous la férule d’un Kerouac ou d’un Ginsberg, rencontre de Lou Reed et John Cale, socle fondateur du Velvet, parcours et originalité de chaque membre du groupe, caisse de résonance de la Factory, apports de Warhol, influences futures … dans une pénombre savamment orchestrée par la designer et scénographe Matali Crasset, les témoignages de ces temps d’éruption créative s’alignent sur les murs, les grilles, les vitrines.
Des photos, des films, des pochettes d’album, preuves qui émaillent les explications déroulées par les cartels, … un bombardement d’images qui n’est pas sans rappeler le précédent constitué par I am a cliche, proposé lors des Rencontres d’Arles 2010, et qui nous avait déjà fortement impressionnés ; une des salles de l’exposition arlésienne traitait de l’influence de la Factory sur l’esthétique punk. Ici le propos s’élargit considérablement, plongeant le visiteur dans une atmosphère qui donne le tournis, sollicitant sans cesse l’attention. Drogues multiples, sexualités interlopes, expériences extrêmes, provocations constantes, troubles psychiatriques, le Velvet semble atteindre sa vitesse de croisière en intervenant lors d’un dîner annuel de psychiatres en 1966 qui intronise Nico comme chanteuse et créée un sacré chaos.
Dotée de solides fondations, la légende n’a plus qu’à se bâtir malgré le peu de succès initial des quelques albums enregistrés par le groupe durant ses cinq ans activité. La banane épluchée du premier LP était-elle un signe du destin ? Tandis que la formation se disloque petit à petit, l’impact augmente sur les esprit, les mœurs, la manière d’appréhender le monde. Symbole de cette ouverture, Candy Darling, actrice transgenre, photographiée jusque sur son lit de mort, pure icône de cette ère dissolue et lumineuse, follement créative, souvent imitée mais depuis malheureusement inégalée. « New York extravaganza » suggère le titre de l’exposition ; mais le mythique « Venus in furs » dépasse de loin le stade de la futilité tandis qu’il ponctue les scènes poignantes de Last days de Gus van Sant.
Peut-être est-ce tout simplement l’essence même de l’esprit rock, ce sentiment de perdition délicieuse et fatale … on ressort de ces salles avec le sentiment amère de jours définitivement passés, d’une inventivité caduque, d’une fulgurance vouée désormais à la pâle copie, à la caricature … Que nous reste-t-il de cette flamboyance sinon des clichés ?
Et plus si affinités
Pour en savoir plus sur The Velvet underground – New York extravaganza, suivez ce lien :
http://philharmoniedeparis.fr/fr/velvet-underground-exposition