Lucienne Vatelin est une femme du monde, mariée à un notaire, éprise de son mari, fidèle. Mais si ce dernier avait le malheur de la tromper, la loi du Talion ! Elle se vengera illico… en prenant un amant ! Plusieurs prétendants à ce titre : Rédillon, un vieil ami de la famille, célibataire convaincu secrètement épris d’elle, et Pontagnac, séducteur forcené qui a poursuivi la pauvre Lucienne jusque chez elle et qui s’avère d’ailleurs un ami de Vatelin. Vatelin qui a d’ailleurs eu la mauvaise idée jadis de trahir sa foi conjugale avec une Anglaise, Anglaise qui débarque justement et obtient un rendez-vous galant à grand renfort de chantage au suicide, sans savoir que son époux compte bien la pincer en flagrant délit d’adultère. Et tout ce petit monde va se retrouver embarqué dans une histoire de fou intitulée Le Dindon, signée Georges Feydeau.
Un tour de force d’élégance
Une course-poursuite irrésistible, avec notamment l’usage de sonneries pour prendre les amants au piège, en mode pêche au grelot. Sauf que cela ne va pas du tout se passer comme prévu, bien entendu, c’est du Feydeau, ça ne se passe jamais comme prévu, encore moins quand c’est Jean Meyer qui assure la mise en scène avec dans sa troupe Bernard Dhéran, Myriam Colombi, Alain Feydeau, Michel Duchaussoy, Yvonne Gaudeau, Robert Manuel, Catherine Samie, Louis Seigner, Denise Gence, Geogres Chamarat… bref les meilleurs de la Comédie-Française à l’orée des années 70. Avec un tour de force : restituer la démence de la situation sans tomber jamais ni dans l’outrancier ni dans le ridicule ou le vulgaire, et en y ajoutant une forme d’élégance d’autant plus savoureuse qu’elle est inattendue.
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Un portraitiste machiavélique
On gardera en tête la rythmique frénétique de cette cavalcade improbable où les portes claquent, les sacs se perdent, les amants épuisés sont incapables de venger ces dames outragées. Et puis, il y a les personnages secondaires : un médecin militaire et sa femme sourde comme un pot, une petite bonne à la main leste, un groom en pleine puberté, une cocotte au QI d’oie, un vieux domestique qui protège son jeune maître comme si c’était son propre enfant, un businessman londonien né à Marseille… autant de caractères forts et surprenants qui se retrouvent emmêlés dans cette cascade de quiproquos où les gags s’enchainent frénétiquement ainsi que les jeux de mots. C’est absolument délicieux, et surtout plein de fantaisie. Cette galerie de portraits pris sur le vif confirme le sens de l’observation d’un dramaturge qui apparaît ici redoutable pour ne pas dire machiavélique.
Et plus si affinités
Vous pouvez visionner la pièce Le Dindon mise en scène par Jean Meyer sur la plateforme de streaming de l’INA.