Le monsieur est connu pour avoir une plume meurtrière qu’il a aiguisée sur presque tous les types de supports depuis le show TV jusqu’au roman. Exemple Black Adder la série culte qui a lancé Rowan Atkinson (oui oui Mr Bean himself) ou Pop Corn, fiction horrificomique qui dresse un portrait on ne peut plus réaliste et fatal du monde du cinéma.
Bref ce touche à tout allie génie, humour et inconvenance so british pour clouer au pilori le monde pourri que façonne la modernité. Et les acteurs navrants de cette déchéance. Ainsi Doris Wallis, l’horrible héroïne de cette satire sanglante et sans pitié où le terme tendre Darling n’est que pure et cruelle boutade. Qu’on se le dise, le titre anglais de la pièce est « Silly Cow », en substance « sale connasse » pour ceux qui ne maitrisent pas la langue de Shakespeare, qui voit là surgir un personnage à la mesure de son répertoire.
Il faut l’admettre, Doris pourrait être la petite fille de Lady Macbeth croisée avec les Commères de Windsor, habillée par Vivienne Westwood, camée dans un concert des Sex Pistols et chorégraphiée par les Monty Python. Et cet explosif mélange est devenu chroniqueuse mondaine dans un tabloïd aussi célèbre que médiocre, médiocrité que cette rédactrice d’élite s’ingénie à cultiver en démolissant les carrières des uns et des autres.
Croyez-le ou non, là on a dépassé le cadre de la « Garce tout terrain » pour concourir dans la catégorie « Salope de dimension olympique » : car à cette boulimie pour l’égorgement médiatique des talents, prétendus ou réels, la dame ajoute d’autres richesses comme la trahison des son patron, l’humiliation de ses employés, l’injure à outrance, la vanité la plus odieuse … et un sens vestimentaire vomitif. Le tout propulsé par une ambition démesurée et un arrivisme parfaitement rôdé.
Si la première partie de la pièce étale ce caractère dans toute sa splendide nullité, le second versant en marque la déchéance tragique, par le bras de victimes assoiffées de justice et de vengeance : et en matière de vengeance, ça va être bien croquignolet. Je ne vous dévoile pas la chose, mais en l’état, c’est quand même bien pervers, et il faut le reconnaître, une excellente application de l’adage « Œil pour œil ». La dame ne s’en remettra pas. Le public non plus.
Il a fallu cinq ans à Marianne Groves pour donner naissance à une mise en scène absolue superbe que le caractère intimiste du théâtre du Petit Saint Martin accueille avec bonheur, convenant parfaitement au salon de la chroniqueuse : un décor hypissime avec un escalier en forme de Louboutin et des projections de requins sur les murs immaculés, une troupe à l’aise dans son interaction et la prise en main de rôles peu aisés à incarner de par leur outrance. Une Marianne Sergent cartoonesque qui endosse la peau et les répliques juteuses de son héroïne avec une jubilation incroyable (et une grande stabilité du haut de ses stiletti vertigineux).
En bref ces deux heures de spectacle crépitent comme un feu d’artifice contre la connerie humaine et les vampires qui s’en délectent. Heureusement l’art, le théâtre et le talent vaincront : « gnagnasseuses », « siliconasses » et autres parasites culturels resteront sur le carreau, attendant le prochain coup de grâce que Ben Elton leur assènera, en digne fils de tom Sharpe qu’il est.
Et plus si affinités