Ah, la politique ! Par devant, on s’oppose, on s’étripe ! Par derrière, on s’entend, on parlemente, on négocie. L’idéologie ? Les valeurs ? Les principes ? Ils importent certes, mais quand on veut gagner, il faut faire quelques concessions. C’est cette cuisine compliquée que met en lumière la superbe pièce de théâtre Élysée, en racontant les relations entretenues par ces deux monstres sacrés que furent Mitterrand et Chirac.
Tractations politiques entre deux monstres sacrés
Deux monstres sacrés qu’on a souvent opposés, Pourtant, ils ne sont pas si éloignés, le premier cynique en diable sous son vernis intellectuel et ses bons mots, le second bien plus fin et cultivé que ne laissait paraître son côté bière et sumo. Deux rusés compères, dont l’auteur Hervé Bentégeat explore les relations jusqu’ici secrètes à rebours, depuis le discours prononcé par Chirac à la mort de Mitterrand jusqu’à leur rencontre en 1981, alors que le second tour des présidentielles oppose le candidat socialiste à Giscard. Giscard, Chirac et son entourage, n’en peuvent plus. Il faut s’en débarrasser, quitte à voter pour son challenger ?
C’est à cette tractation qu’aboutissent les différents tableaux d’Élysée, une véritable genèse de cette complicité qui ne dit pas son nom avec comme trait d’union l’ami commun Philippe Dechartres et son ancienne femme de ménage devenue actrice. Et surtout un questionnement récurrent : qu’est-ce qu’un homme politique ? Qu’est-ce que servir la France ? Qu’est-ce que perdre ? Qu’est-ce que gagner ? Véritable leçon de stratégie, Élysée décrit les visions à long terme de ces deux fortes personnalités, qui arrivent à s’entendre malgré leurs positions contraires. On appréciera ces intelligences qui croisent d’abord le fer avant d’entamer le dialogue, de s’accorder finalement. On savourera par ailleurs l’humanité de ces deux héros modernes, leurs manières d’aborder la vie, la séduction, les femmes…
Toujours la même cuisine depuis Machiavel
Élysée permet aussi de réfléchir sur la fragile barrière entre carrière officielle et vie intime, un équilibrage à constamment repenser. Drôle et très juste, cette pièce doit beaucoup à sa construction, mais aussi à ses interprètes : l’éditorialiste Christophe Barbier plante un Mitterrand particulièrement crédible, toujours incisif malgré la maladie qui le ronge ; Adrien Melin interprète un Chirac à la fois nerveux, direct et touchant. À la fois confidents, observateurs et commentateurs, Emmanuel Dechartre et Alexandra Ansidei jouent l’ami et l’actrice, qui scrutent cette confrontation qui aurait pu déboucher sur une amitié, sauf qu’en politique, on n’a pas d’amis.
Jean-Claude Idée met en scène ces échanges très pointus avec dynamisme, dans un cadre épuré qui s’adapte à cette narration à rebours, où l’actualité s’invite par le prisme d’archives choisies avec discernement afin de retracer le caractère sismique de ces 15 années qui concluent à la fois les Trente Glorieuses et le XXᵉ siècle. Un ancrage temporel trompeur : la politique, elle, ne change pas, c’est toujours la même cuisine depuis Machiavel, et nos deux candidats ne s’y trompent guère qui excellent dans cette pratique sans s’embarrasser de scrupules ni de remords. Il faut ce qu’il faut quand on brigue l’Élysée.
Et plus si affinités
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