Il est vrai que depuis quelques représentations, nous nous obstinons à chroniquer tragédies humaines et drames personnels. Je confesse que cela devenait un peu pesant et que j’appelais de mes vœux les plus pressants un peu d’air comique pour alléger l’atmosphère. Une force supérieure m’a entendue en guidant mes pas salle Popesco au Théâtre Marigny, pour voir Les Bulles:
Ce trop bref panorama rend malheureusement peu compte de l’atmosphère hilarante qui se dégage du texte adapté des nouvelles de Claire Castillon, ici mis en scène par la réalisatrice Marion Vernoux. Deux copines qui se sont amusées à croquer nos petits travers d’homo sapiens dépassés par les séismes affectifs de ce début de siècle pour tirer leur cerveau d’une bulle de vie à une autre comme une pelote de laine géante et pleine de nœuds.
En une heure trente et une succession de tableaux aussi courts que lapidaires, le duo évoque un carrousel de figures irrésistibles dans lesquelles on se reconnaît forcément. La quadra encore jolie mais désespérément célibataire malgré sa joie de vivre, la jeune maman qui se satisfait jusqu’à l’écœurement de sa nouvelle condition pour culpabiliser ses copines, le type qui fuit la jeune fille avec qui il a passé la nuit sans pour autant être réellement attiré, … et d’autres pas piqués des vers que vous découvrirez avec surprise, je n’en doute pas une seconde.
Le tout est servi par une scénographie astucieuse inspirée des décors qu’on trouve dans les allées de certains grands magasins de meubles pas trop chers dont je ne citerai pas le nom ici mais qui viennent des pays du nord, vous savez, ces décors faits pour optimiser l’espace d’un jeune couple, d’une famille naissante, dans un semblant de bonheur préfabriqué que les éventuels acheteurs testent avidement, en quête d’une plénitude à bas prix. Ou Les Choses de Pérec en mode web série ? Un soupçon de Bref dans certaines tournures ? L’Agrippine de Claire Bretecher dans les dialogues et les attitudes ?
L’ensemble est singulièrement attachant et fait rire aux éclats grâce au jeu exemplaire des acteurs Emilie Caen, Jean-Baptiste Verquin et Olivia Côte. Cette dernière notamment impacte le spectateur par le décalage entre sa plastique de mannequin et son talent de mime et de clown. Elle passe avec une aisance déconcertante de la séductrice dévoratrice d’amour au rôle de jeune mère de famille en pleine régression (la scène est à hurler de rire) à celui de mère grabataire et tyrannique (effrayante). Ses partenaires ne sont cependant pas en reste qui incarnent tour à tour les aléas du couple dans une série de portraits en miroir délicieux et piquants à la fois.
L’équipe au complet réalise un tour de force : dégager la thématique de la guerre des sexes et des relations sociales borderline de la chasse gardée des one man shows et autres stand up pour le ramener en douceur et avec beaucoup d’humour sur la scène du théâtre en évoquant ses racines, la farce, la commedia dell’arte, le vaudeville à la Courteline et la comédie de boulevard à la Guitry. « CE SPECTACLE S’ADRESSE A UN PUBLIC AVERTI ET SANS COMPLEXE ! » précise le site. C’est vrai. Et vous savez quoi ? On adore.
Et plus si affinités
http://www.theatremarigny.fr/fr/programmation/bdd/id/136-les-bulles