1661 : le début du triomphe pour un certain Molière qui lui court après depuis quelques années déjà, vu qu’il aborde son quarantième printemps, et que cela fait bien une vingtaine d’années qu’il apprend son métier de comédien auprès de sa fougueuse compagne, Madeleine Béjart. C’est elle qui lui a appris les ficelles du métier, qui l’a porté à bout de bras, qui a cru en lui. Elle l’aime, malgré ses écarts, ses tromperies. Seulement voilà : alors que le succès enfin se confirme, que le Roi s’intéresse enfin à eux, à lui surtout, Molière annonce qu’il va se marier. Pas avec Madeleine, mais avec sa fille. Menou, Armande. La future Mademoiselle Molière.
Madeleine vs Armande
Car à l’époque, les actrices étaient qualifiées de Mademoiselle, affichant leur nom de jeune fille ou de femme mariée. Un rôle qui aurait dû revenir de droit à Madeleine, la très fidèle, loyale et éprise Madeleine, qui découvre trop tard que son amant en pince très sérieusement pour la petite fille devenue jeune femme désirable et comédienne accomplie. La légende s’est emparée de cette histoire, les plus farouches détracteurs du dramaturge ont dégoisé sur cette romance au parfum d’inceste, se gaussant au passage de la différence d’âge entre Poquelin et sa jeune fiancée. Un couple dont les potentiels dysfonctionnements ont alimenté le mythe d’un barbon jaloux à l’image du Arnolphe de L’École des femmes.
Les différents actes d’une rupture
Mais Madeleine dans tout ça ? Comment prit-elle la chose ? Après tout, c’était elle, la cocue de l’affaire, trahie par l’homme qu’elle aimait et la chair de sa chair. C’est ce côté à la fois intime et tumultueux qu’explore la pièce Mademoiselle Molière signée Gérard Savoisien. Avec beaucoup de justesse, l’auteur interroge la dissolution de ce couple incroyable, lié par la passion du théâtre. Nous assistons ainsi aux différents actes de cette rupture, qui coïncide avec l’ascension d’un Molière ambitieux bien décidé à s’imposer à la Cour. En écho avec cette volonté dévorante, l’attirance de plus en plus marquée pour Menou, qui jamais n’apparaît sinon sous forme d’un mannequin anonyme.
Le sort de toutes les actrices ?
La plume de Savoisien est certes drôle, mais sans pitié. Face à Molière joué par un Christophe de Mareuil déchiré et odieux à la fois, Madeleine, comédienne encore belle et désirable, comprend progressivement qu’elle va être remplacée dans le cœur de son amant… et dans ses textes. Elle qui lui a tout donné, elle se débat, femme bafouée, cynique, amère, pleine de colère, de chagrin, humiliée par sa propre enfant. Remarquablement jouée par Anne Bouvier, récompensée par le Molière de la Comédienne dans un spectacle de Théâtre privé, cette gloire du théâtre français du XVIIᵉ siècle subit le sort de toutes ces actrices mises au placard parce que trop âgées, elle en devient ainsi la porte-parole.
C’est qu’on ne compte plus les Madeleine Béjart séduites, aimées, abandonnées. L’histoire du théâtre et du cinéma en est tristement saturée. C’est une petite vengeance que leur offre ici Savoisien, aidé en cela par la mise en scène particulièrement efficace d’Arnaud Denis. Une manière mordante de rappeler, que sans Madeleine, J.B.Poquelin ne serait jamais devenu Molière ?
Et plus si affinités
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