Moulineaux, médecin de son état, fraîchement marié à une belle ingénue, et qui déjà découche pour se taper la séduisante Suzanne Aubin … qu’il rate au bal de l’opéra. Et quant il rentre au beau milieu de la nuit, pas de clé. Il dort donc sur une banquette en veau glacé, rentre en douce dans ses appartements au petit matin … et se fait choper par son épouse. Puis sa belle-mère. N’empêche. Elle est bien attirante, ce petit démon de Suzanne, malgré ce mari plutôt sanguin.
Un mensonge en appelle un autre
Allez soyons fou ! Moulineaux, pour abriter ses naissantes et adultères amours, loue à un de ses patients un petit entresol qui jadis abritait une couturière partie à la cloche de bois en laissant son atelier derrière elle avec une porte qui ne ferme pas. A partir de là, Moulineaux plonge tête baissée dans ce cauchemar situationnel qu’on nomme vaudeville et qui se présente comme une proto-version sous absinthe du théâtre de l’absurde. Car de l’absurde, Moulineaux va en bouffer deux jours durant, autant qu’il va en générer.
Normal : les héros de Feydeau sont comme ça. Pour échapper à une situation déplaisante qui en général consiste à être soupçonnés (à raison ou non) de tromperie par leurs conjoint.es, ils mentent. Mal. Un mensonge en appelle un autre, et très vite, ils se retrouvent à surfer entre leurs bobards, doivent improviser avec une réalité qui les rattrape de manière cocasse et assez mordante. Et ils en rajoutent, s’enfonçant toujours un peu plus, réglant un problème pour en déclencher dix fois plus. Une sruenchère de conneries qui finalement leur donne l’illusion d’exister.
Existence de bourgeois ridicule
Car leur vie les emmerde. Une horlogerie bien sage, bien rodée, une existence patachone de bourgeois bien en chair, satisfaits d’eux-mêmes, qui cherchent à pimenter leur quotidien avec un peu de gloire, de sexe, de jalousie … et qui vont vite s’en mordre les doigts. Pour notre plus grand plaisir, s’entend, puisque nous nous tordons de rire devant leurs mésaventures que Feydeau dépeint avec une jubilation, un sens du gag évidents. Une volonté très nette de les tourner en ridicule.
La chose est encore plus nette quand c’est un Pierre Arditi qui endosse le rôle du Moulineaux coureur, ce qu’il fit à maintes reprises (à croire que le rôle a été écrit pour lui), notamment dans la mise en scène de Bernard Murat avec à ses côtés Emmanuelle Devos, François Berléand, Marie-Anne Chazel, Marthe Villalonga, Chloé Lambert, Laurent Gamelon et consort. Une belle brochettes d’acteurs, déjà dynamiques séparément, imaginez ensemble sur le même plateau avec en bouche les répliques délirantes de ce diable de Feydeau ! Bref un moment inoubliable, léger, qui va vous secouer et vous faire du bien.
A ne louper sous aucun prétexte !