Qui a dit que le théâtre ne faisait pas de politique? Non seulement il en fait, mais il en garde la mémoire, avec la volonté farouche d’en dévoiler les arcanes à un public pas toujours au fait de la chose. Éducation populaire oblige, là où nos écoles, faute de moyens, peinent à réaliser l’initiation civique des jeunes générations, ce sont les héritiers de Molière qui s’y attellent avec autant de justesse que d’im-pertinence. Dixit le nouvel épisode de la série Huit Rois, intitulé Le dîner chez les Français de Valéry Giscard d’Estaing.
Un long réveillon normand
En d’autres termes, le duo Léo Cohen Paperman/ Julien Campani persiste et signe, complétant sa saga politique débutée avec La vie et la mort de Jacques Chirac, roi des FrançaisetGénération Mitterrand. Nouveau chapitre de cette saga consacrée aux splendeurs et misères de la Vᵉ République, le septennat de Valéry Giscard d’Estaing, disséqué en 1h45 avec une plume aussi tranchante qu’ironique. Au programme de cette grinçante comédie, un de ces dîners désormais célèbres auxquels VGE s’invitait, débarquant dans le giron d’une famille française lambda pour partager le pain et le vin… et montrer aux yeux du monde sa proximité avec le peuple qu’il devait diriger.
Seulement voilà : ce n’est pas parce qu’on s’attable avec Mr et Madame Tout-le-Monde qu’on va forcément régler les problèmes d’un pays qui s’enfonce petit à petit dans la crise. Nous sommes fin 1974, l’économie va mal, et VGE ainsi que sa chère et tendre Anne-Aymone font tache dans le tableau d’un réveillon normand orchestré par les Deschamps-Corrini, de braves gens illustrant chacun un pan de la société française en pleine mutation. De vieux agriculteurs, une fille mère de famille qui travaille, un gendre qui voit son pouvoir d’achat fondre et le risque de perdre son job augmenter. Climat explosif en diable. On sait que ça va péter, mais quand ?
Tristement d’actualité
Tandis que s’éternise ce repas de fête qui tourne à au cauchemar social sous les yeux d’un enfant grandissant très (trop) vite, on assiste à la mise à mort désolante des espoirs de plusieurs générations. Et l’opération de communication tourne au fiasco, inaugurant en fanfare les scandales à venir, les foutages de gueule récurrents face caméra. Sauf que le Français moyen est peut-être moyen, cela n’en fait pas un crétin pour autant, encore moins un enfant naïf et ignare, surtout pas un dindon qui se laisse plumer sans rien dire. Tandis que la rencontre tourne au clash entre ces deux univers incapables de s’entendre car totalement étrangers l’un à l’autre, le vent de la révolte gronde, saupoudré de chansons de l’époque devenues emblématiques.
Et nos deux compères, épaulés par des comédiens d’exception (il faut au moins ça pour tenir le rythme de cette sarabande), de donner à voir, au travers du passé, notre présent. La modernité est peut-être passée par là, le minitel a peut-être inauguré la révolution numérique, la nourriture dans les assiettes s’étiole, les moyens manquent. On veut consommer, on y est encouragé, mais on n’a plus d’argent. Cela vous rappelle quelque chose ? Tristement d’actualité, le propos de Léo Cohen Paperman et Julien Campani a une saveur amère : rien ne change, les ors de la République ne sont pas pour tous. Et il fait bon rafraîchir nos mémoires en nous rappelant cette vérité.
Et plus si affinités
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