La question peut sembler complètement stupide. Et pourtant. Depuis quelques jours, dès que j’envisage de visiter/chroniquer un musée, je me heurte à : « Fermé pour travaux ». Ma chronique sur le Musée de la vie romantique ? Poubelle because travaux. Celle sur le Musée de Port-Royal ? Idem. Visiter la maison de Mallarmé ? Travaux. Une véritable épidémie, derrière laquelle se cache une réalité muséale complexe. Gardiens de notre patrimoine culturel et artistique, espaces de conservation et d’exposition, les musées sont par la force des choses soumis aux lois de la dégradation et de l’évolution. Des travaux s’imposent régulièrement, et pas seulement pour entretenir/réparer les locaux. D’autres problématiques sont en jeu. On ne prend pas la décision de fermer un musée pour travaux sur un claquement de doigts. Plusieurs raisons vont justifier de mettre l’établissement hors course pendant un temps certain. Des raisons qu’il est passionnant de passer au crible.
Une meilleure préservation du lieu et des œuvres
Les bâtiments muséaux, souvent d’origine historique et labellisés comme tels, nécessitent des mises à jour régulières de leurs infrastructures, ne serait-ce que pour répondre aux normes de sécurité, qui, elles aussi, mutent constamment.
- Les musées doivent s’y conformer, qu’il s’agisse de la protection incendie, de l’évacuation des visiteurs, ou de la sécurité des œuvres. Des travaux sont parfois indispensables pour garantir que ces normes sont respectées. Cela va de l’installation de caméras de surveillance et de systèmes d’alarme à la mise en place d’issues de secours convenablement signalées et accessibles en passant par des systèmes de détection incendie efficaces, d’usage de matériaux ignifugés, de protections anti-inondation, de portiques de détection…
- Et puis il y a l’amélioration des systèmes électriques, de chauffage, de ventilation. Importantes pour le confort des visiteurs et des personnels, ces modifications jouent aussi sur la qualité de conservation des collections. Les œuvres d’art et les artefacts, exposés en salle ou conservés dans les réserves sont extrêmement sensibles aux conditions environnementales. Un contrôle précis de l’humidité, de la température, et de la lumière est essentiel pour éviter la détérioration des pièces. Les travaux peuvent donc viser à installer des systèmes de climatisation ou d’éclairage plus performants pour mieux préserver les collections.
- Les musées situés dans des bâtiments historiques vont devoir effectuer des travaux de restauration en continu pour conserver ou mettre en valeur l’architecture du lieu. Il s’agit alors d’orchestrer des interventions minutieuses réalisées par des artisans d’art, qui vont respecter l’authenticité du bâtiment tout en permettant sa modernisation.
S’adapter aux impératifs du public et de l’époque
Autre facteur qui va influencer l’orientation des travaux : le public. Ce dernier change, évolue, dans ses pratiques, ses attentes. Un parcours plus vivant et interactif, des espaces de loisirs, des boutiques éventuellement, une scénographie attractive : on mise désormais sur l’expérience vécue, le ressenti. Il faut donc équiper les espaces muséaux dans ce sens.
- Point important : la hausse de fréquentation, l’évolution des attentes du public, l’augmentation des collections. Ces différents facteurs peuvent amener un musée à agrandir et à repenser ses espaces d’exposition et de stockage. Cela inclut souvent la construction de nouvelles galeries, l’amélioration des installations existantes, la création d’espaces dédiés à des activités éducatives et interactives.
- Il s’agit aussi d’améliorer l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite : portes automatiques, rampes d’accès, sols antidérapants, bancs et chaises, panneaux en braille, guidage au sol, œuvres tactiles, audioguides et vidéos en langues des signes, il y a de quoi faire en la matière.
- On misera aussi sur le participatif en aménageant des espaces modulables, pour y accueillir ateliers, conférences, performances artistiques. Ces lieux doivent prendre racine dans l’espace muséal sans en briser la cohérence, tout en proposant une esthétique spécifique, des équipements adaptés qu’on peut transformer selon les manifestations. Cela implique des travaux d’architecture intérieure exigeants.
- Numérisation oblige, l’espace muséal doit s’ouvrir aux joies des nouvelles technologies. Applications mobiles et audioguides sont une chose, mais il faut aussi intégrer réalité virtuelle et réalité augmentée, écrans tactiles, bref tout un attirail digital qui suppose des aménagements adéquats, ne serait qu’un excellent réseau wifi, des serveurs locaux et des systèmes de stockage dignes de ce nom, des salles de réalité virtuelle insonorisées, des cabines interactives pour s’immerger dans les œuvres, des murs numériques, une signalétique adaptée pour les parcours en AR…
- Dans un contexte de chaos climatique, le musée doit aussi prendre en compte la question du développement durable. Cap sur l’éco-conception ! Amélioration énergétique, réduction de l’empreinte écologique, éclairage LED, création de jardins extérieurs.
Chantiers muséaux : enjeux, défis et objectifs
Comme vous venez de le constater, les raisons de moderniser l’espace muséal ne manquent guère. Problème : il n’y a pas de baguette magique. Les travaux effectués dans un musée ne sont jamais anodins. On ne se lance pas dans l’aventure comme ça ; cela demande une organisation minutieuse.
- Les décisions concernant les travaux sont généralement prises par la direction du musée, en concertation avec les pouvoirs publics, les conservateurs, et parfois des architectes spécialisés dans la rénovation de bâtiments culturels. L’initiative repose sur des études approfondies de l’état du bâtiment, des collections, des besoins futurs du musée.
- Qui dit travaux dit sous. Ces chantiers sont souvent coûteux. Le financement peut provenir de fonds publics, de subventions, de mécénats, ou de campagnes de financement participatif. Le budget alloué doit couvrir à la fois les coûts de construction et les frais de conservation des œuvres pendant la période de travaux.
- Les chantiers dans les musées nécessitent des compétences spécifiques. Les entreprises recrutées doivent être expertes dans la restauration de bâtiments historiques ou dans la manipulation d’œuvres d’art. Le processus de sélection peut inclure des appels d’offres et la vérification des qualifications des ouvriers.
- La supervision est assurée par un chef de chantier, en collaboration avec des conservateurs de musée et des experts en restauration. Ces derniers veillent à ce que les travaux respectent les exigences patrimoniales et muséologiques. Les architectes, ingénieurs et artisans doivent travailler de concert pour assurer la qualité des interventions.
- Pendant les travaux, les œuvres doivent être soigneusement emballées, stockées ou même temporairement relocalisées. Cette opération, qui doit se faire dans le respect de normes strictes, est souvent supervisée par des conservateurs spécialisés.
Perturbateurs à court terme (surtout quand il faut fermer l’établissement), les travaux ont pour objectif d’améliorer l’expérience des visiteurs, de protéger les collections et de valoriser le patrimoine architectural. Ils permettent également au musée de s’adapter aux évolutions technologiques et sociétales, assurant ainsi sa pérennité.
À la réouverture, les visiteurs peuvent s’attendre à un espace plus moderne, plus sûr, et plus engageant, où les œuvres sont présentées dans des conditions optimales. Pour le musée, c’est l’occasion de renouveler son attractivité, d’accroître sa fréquentation, et de renforcer sa mission éducative et culturelle. En somme, les travaux dans un musée sont le fruit d’une volonté de conserver le passé tout en se tournant résolument vers l’avenir, garantissant ainsi que ces institutions continuent d’inspirer et d’éduquer les générations futures.
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