On ne va pas tourner autour du pot : dans le paysage musical français, Erwan Pinard fait tache. Et il peut en être fier. Il faut dire que ce rennais d’origine, lyonnais d’adoption n’a pas sa langue dans sa poche et ouvre grand une forte gueule quand il s’agit de plomber ses contemporains et leur passivité nauséabonde.
Contient des sulfites en 2009, Sauvez les meubles en 2012, Obsolescence programmée en 2016, les titres de ses trois albums saignent de son cynisme mordant. C’est qu’il a les dents aiguës et tranchantes le Erwan, quand il referme ses mâchoires sur un sujet, il ne lâche plus tant qu’il n’a pas arraché le morceau. Ses textes, ses rythmes, son ADN musical évoquent Thiefaine ou Guidoni, Charlebois dans la voix, la manière de poser les mots. Mais pour les figures de style et la faconde allez voir du côté de Boby Lapointe, quant à la hargne, il la puiserait chez un Woody Guthrie que je n’en serais pas étonnée.
Dans son viseur de sniper musical, sur des allures rock, citons pêle mêle « Mon voisin de caddie », « J’ai l’amour », « Centre ville », « Page blanche », « Que sais-je ? » et le magnifique « Gros mots » qui rejoint au panthéon des chansons décapantes les zizis de Pierre Perret ou les fesses des Frères Jacques. Mais l’humour a fait place à la bile, à l’amertume devant tant de connerie humaine, déguisée sous les oripeaux de la modernité bien pensante ; Et Erwan Pinard de nous crier en boucle : « Alors comme ça vous êtes modernes, les mecs ? Eh bien ça vous rend surtout con, et le pire c’est que je ne suis pas à l’abri moi non plus d’être contaminé à tout moment. Pourtant je lutte ! »
Avec un sens de la parole qui claque comme un coup de fouet, une volonté de pulser son discours par des airs coups de poing, Erwan Pinard forge un univers de permanente contestation. Pour tout dire, voici longtemps que ce garçon est debout contre tous et pas que la nuit. Le sarcasme à la bouche, il pourfend l’hypocrisie du consommateur apathique, de l’amant veule, de l’urbain bovin, … Illustration parfaite de sa conception des choses, l’arithmétique affreuse de « Compte à rebours » rappelle que pendant que nous gérons nos petits problèmes de communication, des milliers d’enfants meurent à la minute en chaque point du globe.
Et nous nous en foutons. Et c’est égoïste. Et c’est criminel. Et ce n’est pas parce que c’est la vie qu’il faut fermer sa gueule. Parce que la vie, ça ne devrait jamais être ça.
Et plus si affinités
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