En début de semaine, nous chroniquions le documentaire The Social dilemna et ses écrans de fumée, insistant sur le fait que cette analyse au demeurant intéressante n’apportait pas grand-chose de nouveau dans le Landernau social media, encore moins dans la perception d’une manipulation de masse orchestrée par les nouveaux médias. C’est tellement vrai qu’en visionnant l’enquête, nous avons immédiatement évoqué The Truman Show. Et l’avons regardé dans la foulée.
Prendre le large
Tourné en 1998, le film de Peter Weir est toujours d’actualité. Mieux, il tirait déjà la sonnette d’alarme sur la tournure mortifère qu’allait prendre la société du spectacle. Truman Show relate à la manière d’un conte le destin fabuleux mais pas tant que ça de Truman Burbank. Un trentenaire qui mène une vie de patachon dans une petite ville insulaire aux maisons blanches et aux jardins bien taillés. Il a une femme, un job, un pote, une journée bien réglée … et il s’emmerde profondément.
Son rêve ? Partir. Quitter ce microcosme étouffant pour parcourir le monde, retrouver cette jeune fille mystérieuse qu’il a furtivement embrassée durant ses années d’université avant qu’elle disparaisse, mais qu’il n’a jamais cessé d’aimer. Le problème est qu’à chaque tentative de départ, ça rate : sa femme le retient, les avions sont bondés, le bus tombe en panne, sa phobie de l’eau (son père s’est noyé sous ses yeux pendant une régate quand il était enfant) l’empêche de prendre le bateau.
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Existence factice
Pour l’instant … Car plus on le retient, plus notre héros veut prendre le large. C’est que confusément, il sent qu’il n’est pas à sa place, que beaucoup de choses dans sa vie clochent, que ce destin n’est pas le sien. Et il n’a pas tort. Car de l’autre côté des caméras qui le filment jour et nuit depuis sa naissance, des millions de spectateurs suivent le fil de son existence avec ferveur, étalé sur les écrans de télévision du monde entier à grands coups de péripéties minutées, de placements publicitaires et de produits dérivés.
Avec aux commandes de cette existence factice le grand Christof, showrunner de génie, réalisateur visionnaire adulé des producteurs et des médias, démiurge fou qui un jour a acheté un bébé abandonné pour dérouler sa vie rêvée devant les objectifs afin de capter le temps de cerveau disponible de foules attendries par ce reflet d’eux-mêmes, d’une existence paisible, sans aspérité. Un fantoche de moins en moins docile, et qui va devoir ruser pour conquérir sa liberté, quitte à combattre ses plus grandes peurs.
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Mythe de la caverne audiovisuel
C’est tout le prix de ce film hors normes et sincère, porté par un Jim Carrey très inspiré, un Ed Harris glaçant. Une sorte de mythe de la caverne audiovisuel doublée d’une critique mordante de la société de consommation, des manipulations qu’elle engendre, de son manque totale d’empathie, de respect de l’humain. Une fable ? A peine, quand on voit aujourd’hui le triomphe de la télé-réalité, des réseaux sociaux où la mise en scène de soi est la règle, l’afflux d’émotions la clé pour capter l’attention et vendre toujours plus.
The Truman Show est aussi un avertissement, un encouragement. Le cerveau humain a inventé les pyramides, il ne peut rester longtemps dans la sidération. A un moment ou à un autre, on sort la tête du sable pour regarder l’horizon, aller à sa rencontre à la manière fière et décidée de l’homme vitruvien. Sortir de sa zone de confort pour pénétrer la zone magique, en d’autres termes s’affranchir des interdits, des peurs, s’émanciper, grandir, devenir soi en accomplissant ses ambitions. Une parfaite définition du rêve américain, que du reste le film dénonce dans sa platitude ? Ou le moteur propre à une humanité en quête d’accomplissement ?
A chacun de voir ce qu’il veut. C’est la morale de The Truman Show, et elle n’a jamais été aussi actuelle et nécessaire.
Et plus si affinités
https://www.canalplus.com/cinema/the-truman-show/h/1076422_40099