Je ne sais pas si vous vous souvenez : le 20 avril 2020, nous publiions un article intitulé « COVID19 : « rien ne peut arrêter un artiste » ou de la digitalisation agile et nécessaire de la culture ». Article dans lequel nous évoquions les possibles voies de dégagement d’une industrie culturelle durement impactée par la pandémie. Parmi ces voies de dégagement, les livestreams bricolés qui fleurissait alors sur les réseaux sociaux comme champignons sous la pluie. « Une corne d’abondance à monétiser ? » avions-nous sous-titré, posant par là même la délicate problématique des pépètes. Livestreamer est une chose, encore faut-il pouvoir en vivre. Onze mois plus tard, The Hives nous balancent en pleine tronche leur World’s First World Wide Web World Tour. Payant. Et ça fait plus que marcher, ça court, ça galope !
Simplicité, efficacité et joyeux bordel
Pas étonnant de la part du groupe suédois dont on connaît l’addiction à la scène. Rester sagement à la maison en attendant que Covid se passe ? Très peu pour Pelle Almqvist et ses potes qui ont visiblement intégré que cette parenthèse maudite va perdurer. Hors de question pour cette belle bande d’agités du médiator de rester sur la touche. D’où l’idée du World’s First World Wide Web World Tour annoncé à grand renfort d’affiches clashy et d’annonces social media. Au cœur du process, simplicité, efficacité. Un plateau blanc de blanc pour jouer, une transmission en direct avec replay sur 24 heures. Et The Hives au grand complet, en costards et en pleine forme, prêts à foutre un joyeux bordel comme ils en ont l’habitude. Bref un valeur sûre dans cette tempête, le phare dont nous avions tous besoin.
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Hauts lieux de la culture rock
Le tout décliné six fois de suite sur deux semaines, avec des dates concentrées sur les weekends pour respecter le timing festivalier et des villes spécifiques : Berlin – Londres – NYC – Sydney – Sao Paulo – Stockholm. Pas un hasard puisque ces métropoles sont de hauts lieux de la culture rock et live. « Watch from anywhere ! 24 hours replay » clame le groupe via son site et ses pages social media : preuve que The Hives ont tout compris au film, en ouvrant leur univers au monde entier, ce qui représente une jauge autrement plus attractive que les 40 000 spectateurs quotidiens d’un Rock en Seine (à titre de comparaison, leur page facebook affiche 644 000 abonnés). Surtout que nos suédois survoltés n’ont pas été chiche en matière d’offre.
La carte du participatif
Parce que les concerts du World’s First World Wide Web World Tour ont de quoi séduire :
- Trois heures de set avec timing cadré selon les fuseaux horaires, histoire de donner rdv à tous les fans de la terre au même moment.
- Restitution du live, caméra mouvante au poing, avec l’impression d’être carrément au milieu du groupe, quitte à risquer de se prendre le pied de micro du chanteur en pleine poire (big up au caméraman qui a survécu aux trois premiers lives, courage, mec tu tiens le bon bout).
- Setlists différentes pour chaque concert avec en cadeau bonus la possibilité pour les spectateurs de participer à l’élaboration de cet élément sacro-saint de la grande messe rock.
- Des participants qui sont invités à enregistrer leurs cris de joie pour les envoyer au groupe afin d’être mixés, histoire de restituer le son type d’une foule de festival (et il faut reconnaître que c’est assez convaincant).
- Et le petit plus qui fait vraiment du bien : Pelle qui vous appelle en plein milieu du live, pour vous faire un ch’tit coucou et discuter avec vous (là aussi, enthousiasme au rdv, et des fans ravis autant que The Hives qui ne boudent pas leur plaisir).
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De l’humain, quoi !
Pas de téléportation ni d’hologramme, pas de jeu vidéo, pas de grigris numériques ni d’IA ni de RA ni de RV, juste un set, une équipe de captation, un bon vieux téléphone, et l’abattage extraordinaire de ce putain de groupe de rock qui a décidé de ne pas se laisser égorger sans réagir. De l’humain, quoi ! Des recettes classiques mais qui fonctionnent du feu de dieu avec une promesse client balancée à coup d’éclairs et de points d’exclamation :
- All shows will be played LIVE!
- Watch from anywhere in the world!
- Different setlist each night!
- 24-hour replay on every show!
- Vote on songs for the sets once you get your ticket!
- We’ll be taking your phone calls during the show! (The number will be given during the show so you can WhatsApp us for free!)
- Cheer! Scream! Applaud! We’ll play your recordings during the show! Email to ScreamForTheHives@gmail.com with your show date in the subject.
The Hives tracent la route
Bien marketé, n’est-ce pas ? Eh oui, mes p’tits choux, there’s no business like show business. Certes The Hives ont bien plus de moyens qu’un petit groupe débutant sans fanbase, ce qui leur permet de synchroniser pareille opération sans accroc ; mais pour le coup, ils tracent la route. Avec une politique tarifaire plutôt cool : 17 US$ pour une soirée, ce qui équivaut à 14 euros. 62,5 US$ pour les six soirées soit 51 euros. Sans compter le merch, les Tshirts collector … Pour mémoire, voir The Hives à Garorock 2021 si jamais le festoche a lieu, vous coûtera 61 euros ; pour les chopper au Felyn Stadium Festival (en même temps que les Red Hot, me direz-vous), la fourchette de prix ira de 40 à 115 euros. Pour se retrouver écrasé dans la fosse, à ne rien voir sauf si il y a un écran suffisamment grand, et je ne parle pas du son pourri, des mecs aux mains baladeuses, des évanouissements à cause de la chaleur, de la bière renversée …
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Modèle économique de secours ?
Impossible, inacceptable, scandaleux … ouais. Il y a dix mois, lorsque « COVID19 : « rien ne peut arrêter un artiste » ou de la digitalisation agile et nécessaire de la culture » est sorti, qui aurait misé là-dessus ? Aujourd’hui The Hives érigent la chose en modèle économique de secours … à moins que cela devienne une alternative au long cours ? Ils ne sont pas les seuls, scrutez la toile, scrollez les réseaux sociaux, les livestreams payants se multiplient, qui permettent à un public large d’avoir accès à des concerts tout en interagissant avec leurs musiciens préférés, ce qui, dois-je le rappeler est inenvisageable en festoche. Bref l’avenir en marche. Merci The Hives and rock’n’roll for ever !
Et plus si affinités